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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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7 mars 2011

Une ENIGME de THALES

Il disait que la mort ne diffère en rien de la vie. "Et toi donc, dit quelqu'un, pourquoi ne meurs-tu pas?" "Parce que cela ne fait aucune différence" dit-il (Diogène Laerce I, 35).

Comme cette énigme résonne étrangement à nos oreilles de modernes, qui, convaincus de la réalité du moi, pensons la mort comme le contraire absolu de la vie, sa négation absolue. Mais les Anciens ne sentaient pas les choses ainsi. Ils ne croyaient pas à la substance du sujet, plus encore, ils n'envisageaient même pas que l'on pût croire à l'existence réelle et substantielle d'un sujet séparé. D'emblée ils se situaient dans le Tout de la Physis pour laquelle il n'est ni début ni fin. Tout ce qui apparaît dans le monde révèle son indépassable caducité : naissance et mort ne sont que des modifications des éléments éternels, comme sont les astres, les roches, les océans, les vivants, emportés dans la danse éternelle du Tout.(Alè-theia). 

Héraclite dira que la mort est la vie, et la vie la mort, comme est le dieu, et "le feu qui s'allume à mesure et s'éteint à mesure". Dans cette immensité impensable et inconnaissable que représente la destinée d'un mortel, fût-il sage ou puissant? Les Anciens n'étaient pas corrompus par la psychologie. Leur vision est d'emblée universelle.

De la même manière, le moderne qui se mêle de pratiquer la pensée bouddhique et de réchercher le nirvâna risque fort de se fourvoyer dans des milliards de kalpas (cycles cosmiques interminables), parce qu'il veut libérer un moi qui très précisément n'existe pas. Plus exactement il n'est ni n'est pas : agrégat impermanent d'agrégats impermanents. La "libération" ne concerne en rien notre moi empirique - dont Bouddha répète à l'envi qu'il n'a ni substance ni stabilité, sans pour autant ne pas exister - mais un principe transpersonnel, à ce titre rigoureusement indéfinissable. Ce n'est ni moi, ni pas moi qui se libère mais, à y regarder de plus près, un quelque chose qui n'a nul besoin de libération. C'est pourquoi les sages disent que le nirvâna ne se réalise pas, sinon à titre métaphorique, pour un esprit qui se hisse soudain à la perception du Tout. 

Il n'est pas étrange, en somme, de dire que vie et mort sont identiques : c'est nous, prisonniers de la subjectivité, qui ne savons ni voir ni penser.

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