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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 janvier 2011

TETRALOGIKON : de la VERITE

"S'efforcer à faire meilleure la prochaine étape, tant que nous sommes sur le chemin. Puis, arrivés au terme, se réjouir de manière égale." (Epicure : sentence vaticane, 18).

Il existe un chemin vers l'excellence, que nous pouvons parcourir étape par étape. C'est le travail de la pensée éclairée par la connaissance, l'expérimentation méthodique, le raisonnement. Hygiène, médecine, philosophie. On n'insiste pas assez sur la dimension volontaire, sur le tonos (l'effort) requis pour la progression éthique, selon une vision paresseuse, mal informée, de l'épicurisme. "Médite jour et nuit" disait pourtant le maître, "en toi-même, et avec ceux qui te sont semblables" (lettrre à Ménécée). Dans l''imagerie populaire le stoïcien est volontariste et l'épicurien nonchalant. C'est trop rapide, et faux. L'ataraxie se conquiert parce que nous sommes plus ou moins fous, et que la plupart le restent. Principe de sélection : ce sont les meilleurs, soit de nature, soit d'application, qui atteignent le terme. Mais cette accession est hautement déclarée possible, sinon certaine, à qui fait l'effort nécessaire. Ainsi donc la philosophie peut s'achever dans un authentique accomplissement. Le terme est aussi la fin, le but réalisé.

Cette fin atteinte ("telos", la fin, mais aussi "péras" : la limite) il n'existe rien de plus à chercher, ni à trouver. L'excellence est elle-même limitation, selon le canon de l'esthétique et de l'éthique grecques. Surtout il faut se garder d'une fuite en avant, d'une course indéfinie, dans une soif de savoir illimitée, une cupidité sans bornes qui ne peut mener qu'à l'abîme. Rien n'est plus étranger à notre penseur que la soif de savoir pour savoir. Le savoir ne vaut que sous la tutelle de l'utile, et le seul utile c'est la félicité. Epicure n'a rien du chercheur moderne qui veut arracher à la nature ses derniers secrets dans une quête effrénée de pouvoir. Savoir l'utile, savoir ce qui sauve de la crainte et des passions, cela suffit. Le terme atteint il fait s'arrêter. Puis goûter, chaque jour et chaque nuit, le fruit de  la quête, la joie qui demeure égale à elle même, constante et assurée, quelles que soient les occurrences du sort. Epicure ira jusqu'à dire que la sagesse une fois acquise ne peut se perdre ni se défaire.

Il est assez singulier que ce discours ressemble fort à celui de Bouddha qui déclare vaines les ratiocinations métaphysiques, puisque le seul but de l'Enseignement c'est la cessation de la souffrance. Lui aussi pose résolument un terme, une limite à la quête philosophique, nibbâna pour l'un, ataraxie pour l'autre. De son côté Pyrrhon établit les conditions de l'accès à l'adiaphora, la non-différence. Trois penseurs du terme, trois philothérapeutes : la philosophie est un radeau qu'on abandonne une fois atteint le rivage.

Cette idée peut décevoir. La philosophie n'est-elle pas l'aventure de l'esprit, l'ouverture infinie, la quête interminable de la vérité? Mais n'est ce pas là confondre science et philosophie? N'est ce pas une erreur dans la définition même de la vérité, conçue comme achèvement ultime du savoir? N'est ce pas une folie passionnelle que cette soif éperdue de savoir, cette obsession du secret à dévoiler?  Quête interminable, et sans résultat autre que technologique.

Nos philothérapeutes raisonnent autrement : il faut et il suffit que la vérité soit posée, comme référent, comme principe et comme fin, hors savoir. Par exemple : vérité de la souffrance, vérité de l'origine de la souffrance, vérité de la cessation de la souffrance, vérité du chemin qui mène à la cessation de la souffrance.(Bouddha). Ou : vérité de la crainte des dieux et de la mort, vérité des lois de nature, vérité du plaisir comme début et fin de la vie heureuse, vérité du bonheur comme excellence. Le savoir peut interminablement parcourir les chemins entre ces bornes assurées, ces bornes, elles, précèdent tout savoir, excèdent tout savoir, survivent à tout savoir. Le savoir peut y conduire, indirectement, mais elles, de leur nature, ne sauraient s'y résoudre, encore moins s'y résumer. Car ici il n'est plus question de contenu quantitatif, d'accummulation, de théorisation, de conceptualisation. Le savoir n' y ajoutera rien, n'y retranchera rien. La vérité demeure, identique à soi : il n'est qu'à vivre dans sa lumière, égal à soi même, dans l'excellence.

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