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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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29 décembre 2010

Des PASSIONS de JOIE

Aux passions tristes que faut-il opposer? Passions gaies? Passions joyeuses? Passions allègres? "Passions de joie" me conviendrait assez bien. L'important est de bien voir, avec Spinoza, qu'il existe un double régime des passions, et qu'il ne faut pas opposer mécaniquement passion et action. Les passions tristes sont immédiatement reconnaissables comme telles, dans leur structure et leurs effets. Plus difficile est de distinguer les passions de joie de la modalité d'action, étant les unes et l'autre, quasi identiques dans  les effets d'humeur. L'action est un expression de la nature propre du sujet, affirmation spontanée de sa puissance d'exister. La passion de joie est l'effet d'une augmentation de la puissance d'agir, provoquée par l'action d'une cause extérieure en accord avec mes dispositions fondamentales : bonne rencontre, bonne nouvelle, bonne chance. La joie dépend encore des causes extérieures, là où l'action pure ne dépend que de moi, exprimant sans heurt ni biaiserie ma puissance d'exister.

Dans la langue ancienne, qui est encore celle de Descartes et de Spinoza, le mot passion définit la modalité passive en général : recevoir un choc, éprouver une émotion consécutive à un événement qui me concerne de près ou de loin, ressentir, être affecté. On est toujours affecté par quelque chose, soit d'externe, comme un événement, soit interne, comme une idée agréable ou désagréable. A l'être vivant il est impossible de ne pas être affecté de mille manières : physiologie, psychologie, sociologie des passions. Deleuze parle, à propos de Spinoza, d'une "éthologie" : analyse du comportement animal, création d'une science du vivant affecté par le milieu, et capable d'agir sur le milieu. Il est bien vrai que "l'homme n'est pas un empire dans un empire", et que dès lors seule l'éthologie peu correctement rendre compte des modalités positives et observables de notre inscription dans la nature. Ethologie et géométrie : "je considèrerai les actions humaines et les appétits comme s'il était question de lignes, de surfaces ou bien de corps".

Si le sujet est affecté de mille manières, selon les lois générales de la nature, il est relativement aisé de décrire les modalités passives, celles de joie et celles de tristesse : la joie augmente la puissance, la tristesse la diminue. Aussi faut-il rechercher les causes de joie, et réduire autant qu'il en est en nous les causes de tristesse. Problème éthique : savoir observer, apprendre à choisir, développer le jugement, travailler à sa liberté. Mais chacun voit d'emblée la limite de cette thérapeutique. Nous sommes dépendants, et le serons toujours, de la fortune, du hasard, de la réalité externe, de nos mouvements internes, même s'il est possible d'élargir notablement le cercle de notre liberté. Philosopher c'est accroître par la connaissance notre puissance de penser, de parler et d'agir. Mais ce n'est pas encore le régime effectif de l'action.

L'action se définit comme l'expression propre de ma nature propre. Manifester la pleine puissance d'un corps et d'un esprit que ne contrecarre aucune puissance extérieure. Or, dans la vie courante, notre puissance est constamment séparée "de ce qu'elle peut". Forces du corps social, nécessités diverses, dépendances, voire servitudes. Toute action est ainsi conditionnée, limitée, entravée ou détournée par des forces qui se mêlent à mes propres forces, les gauchissant, les limitant ou les entravant de diverses manières. Où donc, dans ce cas, est l'action pleinement mienne, si toujours quelque passion signe ma dépendance aux causes extérieures?

Dans le domaine éthique, social et politique je ne peux faire mieux que d'étendre ma puissance, sans prétendre jamais à une action pleinement autonome. Ce qui n'est pas un argument pour ne rien faire. (Voire les publications politiques de Spinoza). Mais la pure action philosophique ne se peut que dans l'ordre de la connaissance. Etude rationnelle de la nature, contemplation du Tout, amour intellectuel du dieu-nature. Par là le sujet philosophant se connaît et se reconnaît mode fini de la substance infinie, et en s'identifiant à la substance infinie, mode infini de la substance infinie : "Nous savons et nous expérimentons que nous sommes éternels".

L'action pleine, entière, illimitée est le fait de Dieu seul, Deus sive Natura, mais en s'élevant par l'intuition unitive à la pleine connaissance de Dieu, l'homme trouve sa vraie nature, participant à la créativité infinie de la "natura naturans", et y jouit de sa pleine et totale liberté.

Ce que Spinoza nous enseigne dans ses formules géométriques, mais plus encore dans l'exaltation mesurée de ses scolies, c'est que l'homme ne peut trouver la raison et la mesure de son être que dans la contemplation de l'éternelle Nature : Ecologie planétaire, Planétique et Planéthique.

 

 

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