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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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13 décembre 2010

De la PULSION et du CORPS EROGENE

La question du désir étant décidément minée jusqu'au trognon je me demanderai s'il ne vaut pas mieux abandonner cette notion aux idéalistes et autres illuministes de toute farine. Quant à nous, nous en reviendrons aux justes considérations concrètes du besoin et de la pulsion, expressions éminemment corporelles de notre être au monde. Epicure avait montré la voie : cherchez le naturel nécessaire, vous y goûterez le plaisir, sans difficulté ni incommodité. Le premier Freud, je veux dire celui d'avant la seconde topique et la pulsion de mort, avait décrit les circuits de la pulsion sexuelle, avec grande clarté : source, trajectoire, objet, but. Pourquoi y avoir ajouté plus tard des considérartions métapsychologiques obscures et abconses, qui de fait font le lit d'une métaphysique officiellement décriée? Revenons, quant à nous, au point de départ : le corps comme énergie, source d'énergie, trajectoire d'énergie, lieu de la satisfaction pulsionnelle, corps propre ou corps d'autrui. Et surtout évitons comme la peste les fricassées indigestes du freudisme tardif et du délire lacanien.

Névrose, vous dis-je! Le désir c'est la névrose! Même s'il semble consubstantiel à notre être, effet de culture, seconde nature. S'il faut réduire le désir ce n'est pas pour étouffer la vie. C'est pour libérer la pulsion!

Il est bien difficile de distinguer besoin et pulsion. Déjà chez les primates. le petit "mal léché" par sa mère est condamné. Lorsque le chat vient se frotter contre ma jambe ce n'est pas qu'il ait faim ou soif. Il demande des câlins. Et quand je le caresse il ronronne de plaisir. Cela dit, la caresse ne remplace pas le lait. Il faut les deux. Chez le bébé humain les choses se complexifient, mais elles sont toujours les mêmes. On peut considérer la pulsion comme une énergie qui vient accompagner la tension du besoin, le colorant d'un coefficient sensoriel et affectif : le lait est odorant, chaud, il coule dans la bouche, il suscite des sensations voluptueuses, il calme la faim, mais la peur aussi, il réchauffe, il réconforte, il fait du sein un bon sein, il est la marque sensible d'une présence douce et caressante, il est contact, rencontre -plaisir. Ces impressions s'inscrivent dans la mémoire corporelle, un objet mental se crée à partir des caractères externes de l'objet - le lait, le sein - donnant naissance à des simulacres indélébiles, les objets intériorisés, qui vont opérer comme stimulants psychiques, appelant au retour des sensations agréables. Il en ira de même des conduits de la nourriture à l'intérieur du corps, routes et circuits de la sensation, plus tard des cheminemnts intestinaux et excrétifs, urétraux, péniens, vaginaux, génitaux. Cela est bien connu. Ajoutons la voix, le toucher, l'olfaction, les saveurs et senteurs, les soins corporels, les caresses, et de la sorte se constitue jour après jour un corps érogène qui donne au corps anatomique (purement abstrait) une épaisseur, un volume, une peau, une surface érogène, sensorielle et affective, une réalité concrète vécue comme plaisir. Et puis le regard, les yeux de la mère qui brillent comme de bonnes étoiles sous le firmamant (fir-maman) du front, et vous avez le visage, l'image préhistorique du semblable, le référent spécifique, autrui comme miroir où se constitue le corps global comme corps érotisé, corps de plaisir, Moi-plaisir! Ici est le principe d'une isonomie, d'une isomorphie, d'une homéostasie physique et psychique. Principe de constance : maintenir, rétablir l'équilibre psychoaffectif de l'être, par la satisfaction du besoin, doublée, redoublée, enrichie de la satisfaction pulsionnelle. Manger, bien sûr, mais dans la joie, des mets qui font rêver, qui affectent les papilles de senteurs stimulantes, qui réveillent, excitent les circuits sensitifs, dans une prolixité des simulacres, avant-goût, anticipation heureuse du plaisir à venir. Et si de joyeux convives, amis et philosophes partagent votre table, le plaisir sera royal!

Penser la pulsion comme énergie corporelle : la source, les circuits, les objets et les contacts. Une boucle qui vient du corps et retourne au corps, en passant bien souvent, sinon toujours par le corps du partenaire. Tension d'un côté, apaisement de l'autre mais entre les deux l'activité pulsionnelle proprement dite, jeu, tour et détour, effleurement, caresse, contact, éloignement, feinte et retour encore : energeia. Le plaisir tout au long de la boucle, avec lenteur, délicatesse et réjouissance. Où, dans tout cela, la mortelle frénésie du désir, la course à la mort?

On peut, de là, réinterpréter la question de la faille. Non pas la déchéance de l'être pour la mort, mais, plus prosaïquement, cette idée toute simple que la constitution du corps de plaisir se fait souvent à l'envers, que manquent la tendresse et le soin, ou la voix qui chante, et que l'abandon, la séparation intempestive,  la conduite brutale, la haine et le rejet ont précocement compromis le processus d'unification du corps. Et cela laisse de profondes blessures.

Retour à la pulsion.

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