Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 056 437
11 octobre 2010

" CHANGER de VIE" - qu'est-ce à dire?

"Changer de vie"? La formule est plaisante, mais creuse. Si l'on se place à un point de vue limité, passe encore. On peut changer de profession, de ville, de voiture. On peut entreprendre de faire le tour du monde en laissant derrière soi ses projets avortés, ses déceptions, ses déboires. On peut quitter sa compagne, pour la solitude ou un nouvel amour. Il y a en effet des ruptures nécessaires, qui signalent l'urgence d'un remaniement, d'une révolution intérieure. Le désir, écrasé dans la répétition, l'habitude et les renoncements, se réveille d'un coup, exige une brisure radicale, un nouveau départ. La vie n'est pas un long fleuve tranquille, plutôt un ruisseau zigzaguant entre les rochers, toujours incertain, serpentant, avec de brusques écarts, des hésitations, des stagnations, des  chutes abruptes, quelques lignes droites coupées de tangentes imprévisibles. Les crises sont aussi nécessaires que les périodes d'accalmie, et si l'accalmie s'éternise c'est une petite mort. En clair, on n'est jamais sûr de rien, pas même de ses désirs.

"Changer de vie"? Mais la vie n'est pas un objet dont on ferait l'acquisition pour un temps déterminé et qu'on pourrait remplacer par un autre. Ce n'est pas un avoir. Cela ne s'achète pas, ne se troque pas, ne se remplace pas. A croire qu'il suffise d'un voeu pour devenir autre que l'on est. Je pars en voyage avec l'espoir d'un rajeunissement intégral, d'une nouvelle sensibilité, d'une nouvelle peau. Mais ce vieux moi débile, inconsistant et palabreur je l'emmène avec moi, en moi : connaturel, je suis vissé à lui, comme il l'est à moi, inséparables tous deux, et n'en formant qu'un. Pour une vraie révolution il faudrait que soudain l'inconscient prenne les commandes, expulse les formations et les structures conscientes, chavire les représentations familières, disloque le navire. On voit les risques: le naufrage est plus que probable.

Reconnaissons que parfois l'opération réussit. Gaughin plante là son travail d'écrivailleur à la solde, ramasse ses pauvres affaires et s'installe aux Marquises. Mais c'est qu'il ne vivait pas, qu'il se mourait dans une vie qui n'était pas la sienne, et que le voyage fut une authentique naissance. Il laissait sa peau d'emprunt, son personnage social controuvé, il laissait l'autre en lui pour devenir lui. Ces cas sont rares, car il faut imaginer le passage d'un erreur absolue à une vérité absolue. En général nous sommes un mélange plus ou moins vivable de l'autre et du soi, ni tout à fait nous mêmes, ni tout à fait l'autre. Et nos révolutions n'en sont pas, rien que des aménagements. C'est la même vie qui continue, sous des froques ou défroques qui donnent l'illusion du changement. Cela dit, ne rions pas de ces mini-réveils. Il sont indispensables.

On peut changer sa vie, non pas changer de vie. La nuance est importante. En encore, la formule peut prêter à confusion. On ne change pas tout dans sa vie. Apprendre à choisir. Laisser tomber, au sens fort, tout ce pèse. Apprendre à oublier. Evacuer. Se délester. S'alléger tout en s'enracinant. "Laissez les morts enterrer les morts". Se resserrer sur l'essentiel. J'ai lu pas mal de livres. Qu'en reste-t-il? Si je devais m'expatrier sur une île déserte, et que l'on me consente la propriété d'une dizaine d'ouvrages, lesquels emporterais-je? Souvent je contemple ma bibliothèque, saisi d'une sorte d'effroi, et je me dis : " A quoi tous ces livres ont-ils bien pu servir? Lesquels d'entre eux m'ont rendu meilleur, plus sagace, plus lucide, plus exigeant envers moi et plus tolérant pour le monde?". Qu'il en aille ainsi de tout le reste. Resserrement.

Que signifie changer sa vie quand on a dépassé la soixantaine? J'ai souvent trouvé ma propre vie peu reluisante, monotone, sans pointe ni poinçons, plate, ordinaire, commune, triviale, banale et sans attrait. Je revois quelquefois le jeune homme que j'étais, ardent, féru d'art et de poésie, convaincu d'un avenir brillant, piaffant d'impatience, futur Rimbaud assurément. J'ai du fort en rabattre. Mes désirs n'étaient pas rangés dans le bon panier. J'en ai fait le deuil. Le seul changement qui me soit aujourd'hui possible c'est de me resserrer plus encore, sans m'atrophier, sur ce qui est vraiment en ma puissance : cultiver mon corps et mon esprit selon l'exigence de vérité. Quelques uns, peut-être, s'y reconnaîtront.

Publicité
Publicité
Commentaires
Y
L'humilité dans tout ça!<br /> Ma petite vie ordinaire, n'est-elle pas ce qui me convient, ne suis-je pas en accord avec cela? Mon ego me fait-il croire que cette personne que je suis mérite bien plus et que je pourrais avoir autre chose de plus passionnant, de plus exaltant? Et je rejoins Tchoumi dans cet extraordinaire de l'ordinaire. Voir plus profondément ce qui est à côté de nous, ceux qui sont près de nous, sans tapage, sans étalage, juste le vivre à l'intérieur et s'en nourrir. Qu'est-ce qui me fait rêver en restant la plus cohérente possible avec la personne que je suis, dans une juste mesure où de la place serait faite pour tout le monde (tout ce qui est vivant)? Se rapprocher au plus près de soi, en vivant sa vie, dans ses actes, ses activités, ses relations en bonne conscience, pour moi c'est cela changer sa vie...aller au plus juste pour soi, tout à fait humblement.<br /> <br /> Les grues migrent<br /> et c'est un émerveillement!<br /> leurs cris éveillant mes nuits<br /> leur vol superbement ordonné...<br /> Surprise attendue, répétée<br /> d'une saison qui s'avance<br /> d'un immuable serein<br /> où la vie me parle<br /> où la nature me relie<br /> à un oiseau majestueux<br /> qui m'envole<br /> ailleurs...<br /> ici...<br /> maintenant...
Répondre
G
Mon Stoïcisme<br /> <br /> De la douCeur à la douLeur,<br /> Dans nos Caresses et dans nos pLeurs, <br /> Rires et larmes en parallèle<br /> Fleurissent "C", ternissent "L".<br /> <br /> Abhoré "L", adoré "C"<br /> J'use mes jours à effacer<br /> La lettre clé, celle du sens,<br /> Sans obtenir de contresens.<br /> <br /> Plaît - il au coeur, plaît - à l'âme<br /> Que le destin tisse se trame ?<br /> Entre les deux mon coeur balance<br /> Tandis que l'âme étrange danse<br /> <br /> Aux rythmes sourds qui tambourinent<br /> Sous l'épaisseur de ma poitrine.<br /> Envole toi oiseau du ciel<br /> Vers le soleil providentiel !<br /> <br /> Sitôt là haut, petit point noir,<br /> Tu disparais dans l'air du soir<br /> Pour mieux renaître avec le force<br /> De l'attractive et noble écorce.<br /> <br /> Tous ces ébats à tire d'ailes<br /> Me font penser à ma cervelle<br /> Qui tant de fois m'a proposé<br /> De m'évader à l'opposé<br /> <br /> De ce sentier si bien tracé,<br /> De cette voie si enfoncée<br /> Dans les sillons du lendemain<br /> Qui sont tapis dessous ma main.<br /> <br /> Poutant, si loin de tous mes rêves,<br /> Ayant senti qu'une vie brêve<br /> Brûle du feu de l'éternel<br /> Retour fatal intemporel,<br /> <br /> J'ai de ma vie bâti le fond,<br /> J'ai de mes bras peint le plafond<br /> Et dessiné sur les côtés<br /> Un univers de voluptés.<br /> <br /> Gilles Août 2009
Répondre
T
En conclusion ,vous abordez le véritable problème que je puis appeler l’ordinaire . Apprendre à reconnaître et apprécier cet ordinaire qui nous entoure quotidiennement et que nous ne pouvons plus voir car il est si proche . Un peu comme si nos yeux ne pouvaient pas voir nos propres paupières .<br /> L’ordinaire est bien extraordinaire et c’est pourtant cet extraordinaire de l’ordinaire qui en fait toute sa richesse et qu’il nous faudrait redécouvrir à la manière d’un enfant qui s’émerveille devant toute chose .<br /> : Quel est ce désir de vouloir quitter cet ordinaire , ce quotidien perçu comme une routine avilissante pour changer quoi et aller chercher quoi ?? Il nous faudra bien, croyant vivre l’extraordinaire retourner finalement au point de départ et retomber d’une manière ou d’une autre dans la marmite .<br /> Quel chemin aurons nous parcouru et quel changement intérieur vers une forme de sérénité ? Là est toute la question .<br /> Nous nous construisons notre identité singulière, notre moi, en nous fabricant un espace bien à nous dans lequel nous évoluons en ayant bien soin d’éliminer dans la psyché tout ce qui peut nous déranger . Nous évoluons bon an mal an dans cet espace ,notre propre prison en quelque sorte que nous nous sommes construite , prison et cage sans barreau . Un beau matin ,à la manière d’un oiseau nous nous envolons bien réellement vers la lumière vers d’autre cieux , quittant la cage vers le bleu de l’azur ,attiré par l’extraordinaire d’une autre vie ,du moins le croyons nous .et pourtant ,il nous faudra bien un jour très proche réintégrer la prison dorée ,car dans le doute nous avons pris soin de laisser la porte ent’ouverte .<br /> Cela ne veut pas dire qu’il ne faille pas de temps en temps quitter la cage , mais en sachant que tout départ suppose un retour parfois plus que nostalgique . Mais alors pourquoi nous sommes nous envolés attiré par ce désir de changement de vie ? Eliminons le problème du désir ,car ce n’est pas le changement qui déclanche le désir ,mais le désir qui constitue le changement comme désirable. Essayons d’y voir un peu plus plus clair .<br /> <br /> Peut-être pouvons nous émettre une hypothèse mais qui vaut ce qu’elle vaut . Simplement parce que nous croyons fermement que le fait de quitter l’ordinaire nous trouverons l’extraordinaire qui nous manque . Nous sommes donc dans le concept de la croyance ,piège redoutable . Mais alors pourquoi le croyons nous fermement car il faut bien le courage de passer à l’acte ( vendre ses biens, quitter sa région, changer de métier , de compagne ou de compagnon parfois et j’en passe .<br /> L’homme est un animal étrange mais qui conserve en lui , cet instinct de survie propre à l’animal certes émoussé par la culture ,la civilisation ,le progrès ,mais instinct enfoui dans notre ëtre au plus profond de nous. Il nous est insupportable d’être confronté par exemple au doute , au mal de vivre , au manque de confiance en autrui . Alors , l’instinct de survie pour évacuer tous ces maux nous pousse à croire que le changement nous sauvera de l’ordinaire et bien souvent cette croyance se transforme en doute et la souffrance revient au galop .<br /> Quel peut-ëtre alors le bénéfice de la croyance au changement de vie ? L’illusion d’avoir eu un court instant la puissance d’exister autrement , à la recherche d’ un autre que moi . Mais le vieux moi ,ce compagnon est bien toujours là ,dès l’atterrissage .<br /> Me trompais-je ? Je serai curieux ( quel vilain égo !) si par hasard un lecteur émet un autre avis pour expliquer ce désir de changement de vie auxquel chacun d’entre nous aspire . La preuve : qui n’entend pas tous les jours « j’en ai marre « ,ce qui sous entend un profond désir de changement ..<br /> Outre le désir , mon hypothèse se tourne donc vers l’instinct de survie psychique qui nous pousse à croire au changement ,ce qui n’est qu’un leurre .<br /> Vivons à fond le présent ,sans se tourner vers le passé source de regrets , et sans se projeter dans l’avenir source d’angoisse bien réelle ,à la manière des stoïciens .Puissions nous cueillir le jour et le Kaïros quand il passe ….
Répondre
G
Un employé ordinaire quitte son bureau à dix sept heures précises. Il rentre chez lui par le chemin habituel. Arrivé au pied de son immeuble il regarde machinalement dans la boîte aux lettres, puis, d'une façon presque somnambulique il monte les marches de l'escalier, arrive sur le palier, ouvre la porte et rentre chez lui. Il prend le temps d'une petite collation. Alors, avec une jubilation mal dissimulée, il commence à se préparer minutieusement pour cette soirée tant attendue, une parenthèse de quelques heures heureuses, une évasion de sa vie de tous les jours, un moment magique pendant lequel il sera le vrai lui même, où il éprouvera le sentiment de vivre quelque chose d'autre, une vie extraordinaire avant de retomber dans celle du lendemain, celle d'une existence routinière dictée par les contraintes de la nécessité. La soirée est terminée, la parenthése s'est refermée, l'homme est monté se coucher, demain il se lèvera et recommencera.<br /> Qui n'a pas vécu cela ? Qui n'a pas souhaité un jour changer de vie ? Quelques exemples nous y incitent, nous montrent que cela est possible. Le marginal devenu chef d'entreprise, le directeur de banque artisan d'art au fin fond de la lozère, l'ouvrier métallurgiste aventurier de l'extrême. Comme toujours ce sont des exeptions que l'on montre du doigt. Pour la plupart d'entre nous , le seul luxe que nous puissions nous offrir c'est de vivre de courts moments de vies intermédiaires à la vie, des succédanés salutaires.<br /> Changer sa vie du tout au tout ce serait faire table rase de son passé. Mais peut-on faire disparaître le passé qui par essence nous constitue ?<br /> Changer de vie, ce serait donc savoir et vouloir saisir une conjonction favorable pour changer de planète travail, de planète sentiments, de planète famille et de planète secrète, toutes si différentes et pourtant si liées les unes aux autres. Cela peut - il nous arriver au moins une fois le temps d'une vie terrestre ? Peut être, car parfois le changement de l'une d'entre elles induit le changement des autres. Peut être aussi lorqu'il s'agit de suvivie. Quand le besoin se fait si impératif qu'il n'y pas d'autres alternatives pour survivre. Sinon c'est la descente vers le pessimisme, l'enfermement, la dépression. Mais si cela était si facile serions nous d'aussi voraces consommateurs de neuroleptiqques et autres psychotropes ? <br /> Ce sont le plus souvent les circonstances fortuites, ces évènements qui ne dépendent pas de nous, rencontres, maladies, accidents, vie de nos proches,qui créent les conditions d'un réel changement de vie. Car les attaches s'effacent d'elle mêmes, la rupture est facilité, et l'energie disponible se polarise vers l'espérance nouvelle, détournée des racines de la mémoire. <br /> Entre d'autres termes changer sa vie n'est pas si facile. On peut changer le décor de la scène, le texte reste le même. <br /> Avant de penser à changer sa vie, mettons un peu de couleur dans celle que nous vivons. Combien de couleurs disponibles ? Une infinité. Combien en utilisons nous ? Quelques unes seulement. Le monde des couleurs, le monde des saveurs, le monde des odeurs sont autant de mondes merveilleux qu'une vie entière ne suffira à nous faire connaître. Alors ne perdons pas de temps en conjectures, vivons !!!
Répondre
M
Oui, c’est tout à fait cela mon cher GK, le lieu où s’enracine le principe principiel de cette équanimité oscillant entre l’aponie et l’ataraxie inscrite dans un continuum ontologique, mais pas seulement.. « L’entre deux » serait également l’émanation même du « souffle » de la vie, portée dans ce jeu quelquefois « incontrôlable » , d’une inspiration douce et d’une expiration libératoire, jubilatoire… enracinées dans un certain élan vital.
Répondre
Newsletter
153 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité