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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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4 octobre 2010

De la MEMOIRE et de l'OUBLI

Qui ne se plaint de sa mémoire, à croire qu'il soit bien utile de tout garder sous la main, disponible, et frais, et comestible sur l'heure. Et en voilà qui, non contents de nous congestionner de mille souvenirs inutiles et néfastes, nous enjoignent de nous attrister à l'infini dans l'évocation des heures sombres de notre histoire. "Devoir de mémoire" qu'ils disent. "Repentance"- et pourquoi pas macération, cilice et mortification? S'il est dangereux de refouler, de cliver et de dénier, il l'est autant de ressasser. Une juste mémoire implique un juste oubli.

Je m'exaspère tous les jours de voir interminablement évoquer et réévoquer les atrocités de la dernière guerre, comme si la chose était nouvelle, que l'on découvrît à l'instant ce que tout le monde sait depuis soixante cinq ans! On répète à l'envi que les faits qui ne sont pas reconnus refont inévitablement surface : retour du refoulé. C'est exact, et la psychanalyse, et l'histoire, le prouvent de mille manières. Mais alors comment expliquer notre stupéfaction devant les camps d'extermination lors de la guerre civile yougoslave? Ce que tout le monde savait n'a nullement empêché le retour de l'horreur. Comment ne pas penser à la phrase de Hegel : "La leçon de l'histoire c'est qu'il n' y a pas de leçon de l'histoire". La mémoire ne garantit pas la fin de la répétition. La connaissance ne modifie pas l'homme en profondeur, et la première occasion est bonne pour que recommence le bal tragique de la monstruosité. Si la connaissance et la raison ne suffisent pas, il faut l'usage du droit et de la force, des institutions qui interdisent, condamnent et châtient toute infraction à la légalité démocratique. "Les hommes sont tous de tristes sires" écrivait Machiavel qui s'y connaissait en ruse, tromperie, et manipulation politiques.

Lorsque la mémoire engendre une décision effective, rationnelle, et institutionnelle, il n'est pas nécessaire, ni bien judicieux, de mijoter à l'infini de tristes souvenirs. Cela ne fait qu'entretenir la haine, rendre désirable le monstrueux, le parer des charmes de la contestation, cultiver les passions néfastes, détourner les hommes de l'esprit d'universalité, et préparer les conflits futurs. S'il faut savoir finir une guerre il faut savoir finir la rancune, l'esprit de haine et de revanche. En un mot, si l'on éternise les évocations c'est qu'on n'a pas fait le travail du deuil et de l'oubli.

Oubli actif : j'ai vu, j'ai examiné, j'ai jugé, j'ai pris une décision résolutive, je passe à autre chose. Je continue de savoir que cela a été, puisque rien ne peut faire que ce qui a été n'ait pas été, mais ce n'est pas une raison pour en rester là, à ruminer, rogner, grogner, hargner dans une éternelle plainte et complainte. Le tout est de bien saisir ce moment où le négatif cède la place, où l'insupportable se délite, où la douleur s'étiole, pour engager la décision de la rupture. Parfois cela se fait tout seul, et un matin, inexplicablement, on redécouvre la paix de l'âme. Fin du deuil.

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