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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 avril 2010

Des REMEDES REELS et ILLUSOIRES

De quelque manière que l'on s'y prenne, la vie est difficile. Nous envions telle star comblée de tous les biens imaginables, qui, un beau matin, se retrouve pendue dans sa chambre, ou terrassée de barbituriques. Et nous nous demandons : "Que lui est-il donc arrivé? N'avait-elle pas toutes les chances de bonheur?" Et je pense aux derniers vers de Sophocle dans Oedipe-roi : ""Il n'est point de mortel, à le suivre des yeux jusqu'à son dernier jour, qu'il faille féliciter avant qu'il ait franchi le terme sans avoir connu la souffrance".

La sagesse traditionnelle nous propose des remèdes : "phamakon", qui signifie à la fois remède médical et poison. Juste ambiguité, car où commence l'un et où s'arrête l'autre? Pharmacie, pharmacopée, l'alliée necessaire de la médecine, mais aussi, préventivement, de l'hygiène. Les Anciens privilégiaient, comme les Chinois d'ailleurs, la conduite préventive, qui met l'accent sur la conduite juste plutôt que sur le remède, qui vient toujours trop tard, et dont l'effet correctif est problématique. Le médecin chinois était payé tant que vous étiez en bonne santé, mais se devait d'intervenir gratuitement quand vous tombiez malade, selon une logique fort simple : son rôle est moins de guérir que d'empêcher le surgissement de la maladie. Dans le même esprit les Epicuriens et les Stoïciens nous donnaient une série de recettes simples et efficaces pour nous maintenir en bonne santé, laissant le soin de la correction à Hippocrate. Epicure nous prescrit une solution en quatre branches, valable en toute saison, et dont le ressort est de purger l'âme des craintes funestes. Le tetrapharmacon écartera, par une juste compréhension de la nature des choses, les poisons de l'âme ravagée par les passions :

     les dieux ne sont pas à craindre

     la mort n'est rien pour nous

     le plaisir est facile à obtenir

     la souffrance inévitable peut s'endurer

Remèdes préventifs dont d'aucuns se sont moqués, mais qui restent, à les réinterpréter et amender, d'une simple et incontestable efficacité. Mais à la condition expresse de les rapporter comme il fait, à une physique des éléments, à une vision rationnelle de l'univers, à un juste rapport entre la nature de l'homme et la nature universelle. L'essentiel est de ne rien attendre de quelque Providence imaginaire, des pouvoirs en place, des prêtres et des charlatans, et de s'en remettre à notre native constitution mortelle et finie, en quoi le plaisir constitutif est accessible, seule condition réaliste de bonheur. "Vivre selon la nature" - et empressons-nous de préciser : selon notre propre nature. Epicure, esprit fin, cultivé, subtil et noble, a compris les lois fondamentales de notre condition, et c'est dans cette condition même, dans ses possibles et ses limites, que l'homme peut et doit réaliser une sorte de perfection.

Ne pas craindre, ne pas espérer, ne rien attendre de quelque puissance inexistante, ni prier ni sacrifier, ne pas se perdre dans des activités inutiles, fuir les plaisirs frelatés, éviter l'ambition et le culte du pouvoir, se resserrer sur l'essentiel, cultiver la sagesse et l'amitié, se suffire autant qu'il est possible à soi-même sans rejeter personne, et pour le reste tirer de la contemplation de la nature le calme et la sérénité. Cela ne garantit pas le bonheur. Du moins cela nous met-il sur sa route.

Qui dit mieux?

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Commentaires
D
Il est à remarquer que le bonheur ne désigne pour ainsi dire jamais dans les sagesses antiques la moindre positivité. Absence de troubles (ataraxie) (aponie) chez les stoïciens comme chez les épicuriens, réduction de l'imaginaire inquiet (Lucrèce), dépouillement et appauvrissement(Diogène), régulation des désirs et critique de l'excès (Platon), tempérance et juste milieu (Aristote). Bref, toute une panoplie de techniques visant à dé-construire la positivité d'un bonheur illusoire. Déjà Lucrèce nous alerte sur l'inconscience (l'inconsistance ?)du bonheur vécu : me sachant heureux, je pressens immanquablement que celui-ci est irrémédiablement menacé et déjà défait par la conscience de la fugitivité. Plus tard, Schopenhauer enfoncera le clou : le bonheur n'existe pas : illusion parmi les illusions, tout comme l'amour, il est cette ruse de la nature au service du vouloir-vivre.<br /> Que reste-t-il ? L'expérience de la joie (Spinoza), fugace et éphémère, l'expérience d'une énergie déployée activement sans passions tristes, sans ressentiment. <br /> De fait, il s'agit peut-être davantage de penser le bonheur en dé-route plus qu'au terme du chemin. Si on se prétend heureux, c'est d'abord suspect...et c'est surtout par dessus le marché.
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R
Une fois de plus, ne pas séparer la théorie de la pratique !
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G
Voilà une belle page de sagesse antique et moderne. Juste un petit bémol, si vous permettez. Attention à ne pas placer la barre trop haut. Il me semble qu'il faut prendre les idéaux comme des lampes qui éclairent le chemin, mais rien de plus. Le chemin reste notre affaire à nous.
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T
Remèdes d’Epictète <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Les philosophes modernes ont souvent recours aux penseurs grecs pour essayer de comprendre les apories existentielles . Sans être exhaustif nous pouvons citer Ricoeur , Hadot, ou Marcel Conche. Comment comprendre la double solitude humaine ?.Celle de la souffrance de la solitude de soi qui survient inévitablement après la disparition de l’être aimé d’une part, et la solitude ontologique de l’être humain comme tel d’autre part? <br /> Comment pouvons nous honorer la vie jusqu’à la mort sans trop souffrir de nos maux ,désirs ,passion, émotions ect ? En un mot comment essayer de vivre sereinement .<br /> Epictète ,philosophe stoïcien dans son Manuel nous donne de bons conseils de cuisine métaphorique ,quant il nous conseille de nous comporter comme dans un banquet .En parlant du plat qui passe devant les convives . Le plat représente l’ambition , les honneurs, le pouvoir , l’argent ,les plaisirs inutiles ,la futilité ect … Belles métaphores et j’en oublie .<br /> Si le plat arrive devant toi , tends la main et sers-toi comme il convient . S’il te passe sous le nez n’insiste pas. S’il tarde ,ne louche pas dessus en salivant mais attend qu’il repasse devant toi . Mais si les choses t’étant offertes tu t’abstiens même d’y toucher ,d’y jeter les yeux tu seras digne de boire avec les Dieux , c'est-à-dire que tu auras atteint la sagesse et que tu pourras vivre sereinement comme le Sophos .<br /> Mais doit-on et peut-on renoncer au plat pour atteindre la Sophia ? Chacun a la liberté de se déterminer ,de se servir ,de se resservir ou de ne pas participer au repas . <br /> <br /> Que signifie de nos jours la sagesse ? Philosopher c’est s’interroger et ouvrir le chemin devant soi , c’est en quelque sorte la quête de la sagesse .C’est aussi s’interroger sur son savoir et prendre connaissance de son ignorance : le fameux « je sais que je ne sais rien » de Socrate.<br /> Réfléchir sur le qui suis-je pour découvrir ce que j’aspire à être ,vivre selon ma propre nature La sophia consiste à prendre conscience du soi et non de soi , ce qui suppose une attitude d’éveil permanent ,une constante lucidité. . C’est une lutte perpétuelle pour acquérir le savoir. . Chez les grecs le dieu est immortel ,seul le Dieu sait , c’est un sage : il ne peut donc philosopher.<br /> Mais que signifie le savoir pour nous ,hommes du XXI ième siècle? Est-ce un savoir objectif ou subjectif ? Je pense que ce savoir s’acquiert par l’expérience ,c’est donc un savoir objectif qui nous permet de se servir quant le plat passe ou de ne pas se servir ou de ne pas le regarder pour éviter une indigestion qui nous empêche de vivre sereinement . <br /> Epictète distingue très justement les choses qui dépendent de nous et celles qui n’en dépendent pas .Les mets du plat sont exposés aux obstacles et entraves : ces choses ne dépendent pas de nous , elles nous rendent esclaves et nous font perdre notre liberté , contrairement à celles qui dépendent de nous . Tenir la lampe allumée nous permet aussi de prendre le chemin du bonheur librement choisi .<br /> <br /> Faisons, pour finir, un petit saut vers la philosophie chinoise ,en particulier chez Confucius . C’est assez intéressant car on retrouve la même problématique d’une manière différente . Avant la cinquantaine ,nous vivons par « addition » ,on est toujours en train d’acquérir ce dont on a besoin : éducation , richesse , relation, réputation ,honneur, pouvoir, ambition ect .<br /> Confucius ,nous conseille de vivre par soustraction après cinquante ans : nous devons apprendre à nous dépouiller de ce dont notre âme n’a pas réellement besoin . En d’autres termes veiller au superflu , rester aussi éveillé la lampe de la main droite et la faucille de la gauche . Eveil pour couper les mauvaises herbes sur le chemin ,autrement dit nous agirons selon les idées de ‘ l’Iinvariable Milieu’,l’état idéal ou tout est harmonie .<br /> Apprendre à vivre par soustraction signifie se séparer des gens dont nous ne voulons plus comme amis,refuser un diner mondain, refuser de faire ce dont nous n’avons pas envie , c'est-à-dire vivre selon notre propre nature , repousser l’ argent que nous ne voulons pas gagner.Nous devons apprendre à nous affranchir de toutes ces choses pour tendre vers la sérénité et le bien être du « junzi » en quelque sorte l’équivalent du sophos .<br /> Vingt cinq siècles après toute cette philosophie est encore plus que valable aujourd’hui , d’une modernité bien réelle et nous aide à survivre et à atteindre une sérénité et la paix de l’âme que l’on peut souhaiter à tout à chacun Mais la encore il faut s’investir, chercher, douter ,ne pas trouver ,réfléchir , observer, expérimenter, se décourager ,céder à la facilité et peut être échouer ,mais tout de même il nous faut avouer que si nous avons essayé , alors nous en sortirons fier et grandi .
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R
Un dieu parmi les hommes cet Épicure. <br /> <br /> Une sobriété droite liée à une compréhension physique de sa nature. <br /> <br /> Même dans la danse infernale des atomes, il est possible d'y trouver une assise stable, d'où jouir, libérer des craintes de toutes sortes.
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