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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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7 janvier 2010

Le DESIR et le PROBLEME ETHIQUE

La question éthique par excellence, depuis l'Antiquité, c'est : comment gérer nos désirs? Pour y répondre avec sérieux il faut une connaissance préalable des rapports du Soma, de la Psyché et du Noos. Au delà des besoins corporels se pose la question du rapport entre LE désir et LES désirs, changeants, instables, tou jours renaissants et liés à une représentation d'objet. Il en résulte qu'on confond trop souvent le désir et l'objet, dans une simplification abusive, un peu naïve, où l'on croit pouvoir déterminer le désir par l'objet. Mais déjà Spinoza nous mettait en garde contre un illusion constitutive, selon laquelle on croit désirer un objet parce qu'il est beau, alors que nous le trouvons beau parce que nous le désirons. En d'autres termes ce n'est pas l'objet qui déclenche le désir, mais le désir qui constitue l'objet comme désirable. Dès lors, l'examen des objets ne nous révèle ni la nature, ni la cause du désir.

En conséquence le désir, dans sa nature et son surgissement, et dans le choix d'objet, conserve quelque chose d'énigmatique : pourquoi le désir? et notamment pourquoi il serait indestructible (Freud), et susceptible de tous les déplacements imaginables, sur une courbe dont on peut repérer les moments principaux, sans jamais atteindre le principe originiare (l'Archè : ce qui est à la source, au commencement, à l'origine, mais aussi ce qui commande, régit toute la chaîne, selon une logique à la fois implacable, et peu connaissable).

Il faut bien reconnaître que la philosophie a globalement échoué dans cette quête, si l'on met à part les remarquables intuitions de Schopenhauer sur le Vouloir-vivre et l'Inconscient. On peut toujours, comme Epicure, faire une classification des désirs, distinguer les désirs naturels et nécessaires, naturels et non nécessaires, non naturels et non nécessaires, en valorisant les premiers, déconseillant les seconds, et condamnant les derniers, selon une perspective éthique naturaliste et rationnelle. L'expérience nous montre à foison que si l'intellect adhère, la psyché ne suit pas et s'obstine à nous faire désirer ce qui n'est pas forcément un bien, ni naturel ni éthique. Le désir fondamental se moque bien de nos classifications, et s'ingénie à détourner l'esprit de ce qui ferait vraiment notre bonheur. Il faudra attendre les travaux freudiens pour avoir un début d'explication sur ce grand mystère.

J' y ai longtemps réfléchi et je pense être en mesure de formuler une hypothèse scientifique valable. Partant d'une indication de Lacan, je vois dans le fond ultime de la psyché, comme dans la Théogonie d'Hésiode, une Faille originelle, une sorte de Khaos, de Béance, un trou en somme, sans doute causé par l'immaturation congénitale de l'infans humain, lieu primitif de l'angoisse du non-être, mais gage aussi bien d'une capacité formatrice que seul l'humain semble posséder. Indétermination première, que l'éducation se chargera de canaliser vers les objectifs socialement souhaitables. Mais sur le plan de la psychodynamique propre au sujet en gésine on constate, suite aux investigations psychanalytiques, que face à la faille, et pour la contenir, l'infans se construit tout naturellement un fantasme organisateur et protecteur qui aura charge de réduire l'angoisse, de formuler des réponses archaïques aux questions fondamentales de l'existence et de donner une sorte de cartographie tout terrain pour réppondre aux sollicitations de l'extérieur tout en préservant autant que faire se peut son intégrité psychique.

La Faille donc, le fantasme ensuite. Et c'est le fantasme inconscient qui sera l'organisateur quasi indestructible de la saillie perpétuelle du désir (inconscient bien sûr). Ce désir là, en sa structure ferme et constante, nous reste pour l'essentiel inconnu et inconnaissable, bien que nous en voyions les occurrences répétitives et quasi prévisibles dans le jaillissement ininterrompu DES DESIRS, et de la fixation relativement constante à des objets qui font série, nous leurrant par leur apparente diversité, mais se ramenant, pour l'essentiel, à des catégories répétitives : tel sera éternellemnt amoureux de beauté toujours nouvelles, mais qui présentent à l'examen éternellemnt les mêmes caractères fondamentaux. Songeons à Nerval, qui dans ses Sylvie, Aurélie, et autres Valérie cherche et trouve toujours l'image d'une mère dont il ne peut faire le deuil.

Faille, fantasme, désir fondamental, puis la série quasi indéfinie des désirs et des objets concrètement identifiables. C'est dire qu'en surface les choses sont visibles, notamment les objets, mais qu'en profondeur tout le disposistif échappe à la conscience. Spinoza encore : nous connaissons nos désirs mais pas les causes qui les déterminent.

C'est à partir de cette analyse qiu'on peut éclairer le problème éthique de la gestion volontaire, ou du moins intentionnelle, de nos désirs. L'éthique recommande, selon la nature (Epicure) ou selon la raison (Stoïciens). Mais elle ne donne aucun moyen concret, hormis les exortations, les examens de consciences et autres exercices psychomentaux (voir Hadot) de réaliser sérieusement son programme. Cela dit il est parfaitement légitime de s'en tenir là, et si cela marche ainsi  de ne rien changer à l'équilibre vital. Cette hygiène conviendra fort bien à qui ne souffre pas trop dans son être, et qui trouve une certaine satisfaction dans ce régime rationnel. Mais cela ne va plus du tout pour un phobique, un agité, un déprimé chronique, un passionné impénitent, ou un catactériel. Que faire? L'hygiène ne suffit pas, et la médecine est souvent impuissante, quand la thérapie risque d"aggraver le mal par ses pseudo remèdes.

Laissant la question thérapeutique dont la solution nous échappe encore, je constate que la connaissance du moins a fait des pas de géants : en théorie la solution existe. Il faut remonter des objets vers les désirs, puis vers le désir fondamental enchassé dans le fantasme, l'ouvrir pour avoir accès à la faille originelle, et construire éventuellement un fantasme moins dévastateur, pour remonter par degrès vers la constitution d'une personnalité moins toxique, moins souffrante et plus sereine. Mais c'est là de la théorie. Dans la pratique l'affaire est extrêmemt risquée, et je ne suis pas sûr qu'elle en vaille la chandelle. On se contentera le plus souvent d'un travail de replâtrage, comme on fait en psychothérapie, en espérant que la suite soit moins chaotique et douloureuse. C'est déjà beaucoup si l'on parvient à réduire la souffrance et le mal de vivre. "Malheur banal" disait Freud.

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