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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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8 décembre 2009

DU POLYTHEISME

Suis-je polythéiste, panthéiste ou athée? Je ne sais pas penser dans ces catégories-là. Ce qui est absolument certain c'est que je ne me reconnais en rien dans les religions, quelles qu'elles soient. Mais de toutes je déteste le plus  les monothéismes, ces mornes fixations sur l'Un. " Credo in unum Deum " Mais aussi : "Ein Volk, eine Sprache, ein Führer" : un peuple, une langue, un guide. Toujours l'unité contre le pluralisme, l'univocité contre la multiplicité, la mon-archie contre la démo-cratie, la pyramide paranoïaque contre la plane surface des plaines et des mers, le Pouvoir central contre la liberté. Le monothéisme est d'abord politique, machine à organiser, centraliser, normer, réprimer, exclure. Et cette politique trouve son achèvement théorique dans l'affirmation du dieu unique, morne transcendance du principe créateur, idole du dévot d'Etat et d'Eglise, ultime justification du Pouvoir absolu. Je ne sache point qu'un monothéisme puisse admettre la diversité, le pluralisme, la critique, la contrariété. Pour le dire autrement, plus brutalement, le monothéisme justifie toutes les violences, toutes les inquisitions. Nous, héritiers du christianisme, nous oublions trop facilement les gigantesque massacres des siècles passés, les colonisations meurtrières, les exterminations massives au nom de Dieu, qui fatalement, "reconnaîtra les siens". Mais laissons cela.

Nietzsche disait ironiquement que devant les prétentions d'un dieu qui se veut unique les dieux de l'Antiquité sont morts de rire!  Ah s'il pouvait avoir raison! Le polythéisme est bien mort et enterré, et nous n'y reviendrons pas. Mais je m'obstinerai, moi, à parler de Zeus et d'Apollon, non que je croie un instant en ces nobles figures disparues, mais parce que cette symbolique-là me semble extrèmement puissante dans son apparente naïveté poétique. Je suis parfaitement convaincu par notre moderne philosophie des sciences, je souscris totalement à la vision matérialiste, immanentiste et antifinaliste issue de Démocrite. Plutôt je dirai que nous n'allons pas assez loin dans ce programme de désidéalisation et que nos savants ne sont que trop obsédés par le modèle unitaire et platonicien (Voir par exemple Tihn Xuan Than). Mais cela n'empêche en rien d'évoquer poétiquement Zeus comme image de la royauté communautaire : non le tyran d'un absolutisme personnel, mais le garant collectif de l'ordre du Logos. Et Apollon, qu'est ce Apollon, sinon l'éternelle jeunesse, l'éternelle lumière et l'éternelle Beauté? Les dieux sont les puissances infra-individuelles, singulières et nominatives des grandes énergies du Kosmos : le feu, l'eau, la terre, le ciel, le soleil, le vent, les marées, la végétation, le principe de croissance ("physis") , d'organisation spontanée ("sponte sua" disait Lucrèce), de naissance et de développement ("natura"), de décomposition et de recomposition indéfinie et éternelle. Je suis, en ce sens, absolument païen, naturiste et naturaliste, amant des belles choses qui naissent et qui meurent, des végétaux, des animaux et des dieux. J'ai un incommensurable plaisir à contempler les neiges sur la montagne, à écouter le bruisssement des feuilles et des sources, à suivre du regard les jolies pies dans les branches, à contempler un beau visage adolescent, à m'émerveiller des nuages qui passent en figurant les tribulations de nos destins.

"Comme nuage et comme feuille

Ainsi va la vie."

Sentiment cosmique! Jubilation cosmique! Du fond du coeur monte une divine allégresse qui ne doit rien à une transcendance dont j'ignore et veut ignorer le mythe. Mais une sympathie originelle, originaire avec le chien, le chat, la source, l'ours, l'arbre, la fleur, et jusqu'aux chardon épineux.  Et que les jours de pluie, eux aussi, dans leur langueur fade, puissent devenir motifs de joie! Le polythéisme c'est peut-être ce sentiment originel de l'appartenance à la terre, aux figures mobiles des éléments, aux orages de l'énergie. Je ne comprends pas que l'on puisse considérer la nature comme un objet de mépris, une sous-catégorie de l'Etre, une erreur du créateur, et autres sornettes. Otez-moi le corps, et dites moi ce qui reste? Philosopher c'est apprendre à mourir" clamait l'autre. Qu'il parle pour lui. Mélancolie insondable de celui qui n'est jamais né et qui en veut à la terre entière! Pompes funèbres du nihilisme religieux. Interminable cantate de la désespérance! Nous refusons vos poisons délétères, ô vous, tristes sires théologiens!

Va pour le polythéisme, s'il s'agit d'opposer la poésie à la fureur. Mais qu'avons-nous besoin de ces références arthrosiques? Disons plutôt, avec les plus grands poètes :

"Accordez moi une saison, une seule, ô Muses

Pour dignement vous chanter et que l' Hadès obscur

Alors m'emporte sans regret!"

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