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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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9 novembre 2009

De la NAISSANCE d'APHRODITE , d'après HESIODE

Aphrodite vient de "aphros" l'écume. Et de fait, selon Hésiode, dans la Théogonie, Aphrodite est bien née de l'écume, ou mieux encore, du sperme blanc-écumeux de son père, selon une alchimie plutôt barbare qui peut nous laisser songeurs.

Lassée de l'interminable coït que lui impose Ouranos (Ciel), Gaîa(Terre) fomente une ruse macabre avec son fils, le divin Kronos, lui remet entre les mains "la serpe aux crocs durs" pour castrer le père, et jeter les testicules "dans la mer aux fortes vagues".  Voici la suite : (Vers 190 à 206, avec une légère suppression)

"La mer les transporta longtemps et une écume

Blanche se répandit de cette chair immortelle.

Une fille en naquit, et tout d'abord vers Cythère l'inspirée

Elle vogua. Puis elle aborda à Chypre qu'entourent les flots.

Elle sortit de l'eau, belle et pudique déesse, et l'herbe

Poussait sous ses pieds délicats. On l'appelle Aphrodite

Déesse de l'écume, Cythérée joliment couronnée.

Aphrodite, chez les dieux et les hommes, née de l'écume.

Eros fut son compagnon et le beau désir la suivit

Dés sa naissance et quand elle monta chez les dieux.

De toujours voici son lot, et chez les hommes

Et les dieux immortels : les voix chuchotées

Sourires et mensonges des filles, et la très douce

Volupté, et les amours et les délices".

     Aphrodite est fille de l'écume '"aphros" - directement si l'on peut dire, sans passer par le ventre de la femme, du sperme répandu, volé par la castration. Ecumeuse Aphrodite, et si belle, si fraîche, si "pudique"! eE le gazon fleurit à son approche, et le printemps naît enfin de la sombre terre! N'est-elle pas la joie des dieux immortels, et des hommes, ces mortels que guette l'implacable destin! "Volupté, amours, délices, mais aussi ruses, mensonges et faux sourires "sont le partage de la déesse, et de ses infatigables amants.

    Comment ne pas songer à la duplicité que Sappho attribue à la déesse, l'immortelle beauté et félicité, mais aussi la cruelle, fourbisseuse de ruses toujours nouvelles, et à ce diable d'Eros, dia-bolon et daïmon tout ensemble, son égrillard et facétieux compagnon de toujours? Sappho ne se lassera pas de nous conter, tout en souffrant mille voluptés et mille morts, les heurs et malheurs de son "coeur" harcelé d'un désir sans cesse renaissant!

    Botticelli célèbrera dans la splendeur absolue la naissance de Vénus, érigée, superbe et nue, dans une coquille marine. L'écume est en quelque sorte réléguée dans les profondeurs, et comment faire autrement au siècle de la souveraineté papale? Mais le symbolisme demeure intact. Et le visage gracieux et joliment nostalgique de cette Parthénos, et sa chevelure répandue ne cesseront jamais de hanter notre imaginaire. On peut préférer cette Aphrodite un peu mélancolique à Mona Lisa. Quant à moi je partage l'engouement de la jeune fille grecque, se mirant en rajustant  sa robe aux regards de son amant embué de plaisir, et se disant en toute inoccence : "Je suis Aphrodite". Pour ses amantes, et pour elle-même possédée d'amour Sappho devait se dire : ' "Tu es Aphrodite, je suis Aphrodite, nous nous aimons en Aphrodite!".

     Rêvons un peu. Dans le Jardin des Amis philosophes, mais des poètes tout aussi bien, pourquoi, au centre de la place ombragée de pommiers et de figuiers, sous le soleil d'Apollon, ne pas aménager un espace de joli gazon, avec autour quelques roses? Gageons que la déesse, invisible mais présente, et jouant dans la lumière, nous inspire de sublimes odes, et d'autes jeux encore qui ne sauraient se parfaire qu'à l'ombre des pommiers en fleur!

__________

PS : Quelques remarques : d'abord la filiation directement paternelle, et d'un père "primitif" pour parler comme Freud! Plus encore, une origine explicitement spermatique, sans aucun mélange, ni participation d'une quelconque ovulation et nidification maternelles. Aphrodite est marquée du sceau indéniable du Phallus. Un phallus imaginaire, suis-je tenté de dire. Fille-phallus, mais déesse éminemment féminine dans son aspect, sa stature, sa forme, sa splendeur, son regard, et dans les séductions et les captations de sa conduite ( ruses, sourires, mais aussi malignité et caprice de déssse, de "star" si l'on veut. Une longue lignée de figures féminines s'en suivra, de Lucrèce, Ronsard, Nerval jusqu'au cinéma moderne. Liaison quasi nécésaiire du narcissisme et du phallus inconscient, et variation jungienne sur le thème de l'Anima, fantasmée par les hommes bien sûr, mais par les femmes tout aussi bien.

Autre point : le mythe désigne clairement l'origine marine de la sexualité. Ecume de la surface, mais aussi profondeurs insondables des abysses. On sait que le psychanalyste Ferenczi écrira une "Thalassa" (la mer en grec) sur les origines phylogénétiques de la sexualité animale, et sur ses avatars dans l'humanité. Pour un Français la mer est immédiatement la mère. On peut donc penser aussi que la vraie mère d'Aphrodite soit cette "Thalassa" qui la porta quelque temps, mais en pure surface, selon un mécanisme typique de dénégation du féminin et du maternel. Rappelons en outre que Zeus concevra également des déesses en les extirpant de sa cuisse ("la cuisse de Jupiter") ou plus expéditivement encore de son crâne, comme Athéna!

Quoi qu'il en soit Aphrodite symbolisera à jamais le désir, l'essence sexuelle du désir, conjugués à la Beauté, selon une nécessité logique indépassable.

Si, à en croire Lacan, "La Femme" n'existe pas, il ne fait aucun doute qu'Aphrodite existe, et qu'elle est l'Immortelle.

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