Le PARTAGE du DIEU et de l'HOMME selon PINDARE
Voici comment Pindare exprime le partage de l'homme et du dieu (Néméennes VI première strophe, traduction de Jean Paul Savignac légèrement modifiée, édition La Différence pages 305, 307) :
"Une des hommes, une des dieux est la race. Et de mère une,
Nous respirons, eux et nous. Mais nous sépare la différence
De pouvoir, d'un côté rien, de l'autre,
Fief éternel, le ciel de bronze qui perdure.
Pourtant par quelque point nous ressemblons
Grand esprit ou nature, aux Immortels,
Bien que ne sachant, de jour comme de nuit
Vers quelle ligne
Tracée par le sort nous courons."
Je remarque avant toute autre considération que les dieux et nous sommes de même mère. L'origine échappe aux dieux comme aux mortels, enfouie dans la profondeur du mystère. De ce fond procède toute chose, mortelle ou immortelle, selon une logique purement distributive. D'un côté rien, sauf cette ressemblance d'esprit et de nature, et de l'autre les dieux, dans l'incomparable différence de pouvoir. Etrange fratrie dyssimétrique, mais aucune préséance généalogique : les dieux ne sont pas créateurs. Nous sommes à mille lieues du monothéisme.
C'est par métaphore que l'on a pu appeler Zeus "père des dieux et des hommes". Il n'est pas au fondement, il est un continuateur inspiré, non un Démiurge. Son règne ne réfute en rien le pouvoir d'Apollon, de Dionysos ou d'Athena, ses progénitures. Il préside au banquet et rend la justice, voilà tout!
Dieux lumineux certes, mais cruels et traîtres, comme les hommes. Mais il appartient aux mortels de ne point les défier. Le partage c'est cela : respecter la distribution céleste.
Dans l'ancienne sagesse c'est d'eux, les Immortels, que procède la parole de vérité. Les rêves et l'oracle sont les médiums de leur enseignement. C'est ainsi qu'allait le monde. C'est de là que sont issus la tragédie, la divination, l'inspiration et le chant orphique.
Et c'est enfin ce que nous, Modernes, nous ne pouvons plus comprendre.