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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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25 juin 2009

DE la METEOROLOGIE : pour Démocrite, major et junior.

Zeus m'a réveillé au milieu de la nuit, foudroyant, tonnant, roulant ses canonades de par le ciel, précipitant ses bourrasques d'averse par la ville. Ce matin la pluie tombe drue pendant que la terre exsude ses parfums de nuit. Je ne sais s'il fait jour tant l'Obscur étreint hommes et choses dans ses bras herculéens. Me revient inévitablement le mot d'Héraclite : "le dieu est nuit-jour, lumière-obscurité, guerre-paix : identité des contraires".

Je me suis assis un long moment sur mon balcon. La menthe que j'ai plantée tantôt fleurit bon et frais dans l'air épuré du matin, pendant que la pluie continue doucement ses épanchements monotones. Pourquoi disons-nous que le temps de pluie est maussade? J'éprouve quant à moi une douce excitation à sentir la fraîcheur  se répandre lentement dans mon corps, emportant les moiteurs, régénérant tout mon être. La pluie est une divine inspiratrice à qui sait l'accueillir sans penser.

"Ces pays imbéciles où jamais il ne pleut" chantait Brassens. Hé! que vaut le ciel bleu s'il n'est parfois torturé, embrouillé, dévasté, délavé par de fortes et brusques intempéries? In-tempéries, comme si le temps pluvieux n'était qu'un contre-temps, un temps négatif qu'il faut bien supporter pour mériter le "beau temps"! L'homme du nord que j'étais et que je reste en dépit de tout s'insurge contre la monotonie africaine. Rien de plus ennuyeux qu'une suite ininterrompue de beaux jours!(Goethe) C'est dans la variété, la contrariété, la multiplicité du hasard et des occurrences que nous trouvons notre joie! Hasard, père des idées fortes, délivre nous de la stérile répétition, fût-elle du bonheur!

Démocrite, à ce que nous conte Diogène Laerce, était féru de météorologie. Rien de surprenant à cela, quand on sait la curiosité universelle de ce génie de la nature. Mais nous réduisons la météorologie à la météo, occultant tout ce que ce terme devrait évoquer sur les météores, les choses du ciel, nuages, vents, averses, ciel clair ou nébuleux, éclipses de lune et de soleil, mais aussi corps célestes, astres, météorites, constellations et galaxies. Les choses du ciel, pour les Anciens, c'était le monde des dieux lumineux et de forces obscures et inconnaissables, abritant le mystère ultime de la destinée. Quelques d'entre nous s'imaginent encore lire leur futur dans la course et l 'accointance des planètes. Un vieux fond de mythologie le dispute à la science positive dans la considération des faits de nature, et des choses humaines. Epicure savait fort bien démêler le vrai : météorolgie : science positive des rapports de force, connaissance rationnelle des faits de nature. Mais le poète en chacun de nous continue de peupler de dieux et de monstres la surface énigmatique du ciel.

J'aime assez cette idéee de la Chine ancienne qui considérait le Ciel non comme un monde transcendant à la manière chrétienne ( les Cieux) mais comme le garant de l'ordre de l'ordre universel, manifestation sensible du tao invisible. Lire le Ciel c'était lire l'ordre du monde. Non point une sciences des augures, mais une herméneutique naturaliste. La Terre éxécute les décrets du ciel dans une sorte de congruence à la fois polémique et harmonique : contrariété harmonieuse, infinie, du Yin et du Yang, selon l'insondable logique du Tao.

Poète et scientifique se disputeront à jamais la possession de l'âme humaine. C'est peut-être au philosophe de réunir les contraires dans la contemplation de la grande unité du Tout.

(Ecrit ce jeudi, étymologiquement jovis-dies, jour de Jupiter, jovedi en italien. En allemend on dit Donnerstag, jour du tonnerre, ou mieux du Tonnant. Décidément Zeus est aujourd'hui au rendez-vous!

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Commentaires
D
En effet, l'étonnement peut mener à l'ordre, à la rationalité et ensevelir dans sa stupeur première le radical désaccord du réel (Platon et Aristote). <br /> Il peut aussi, comme tu le soulignes fort justement, briser à jamais la tentative de recoudre la faille et laisser ouverte la béance que le rire démocritéen vient souligner dans sa détonation et le pessimisme d'Arthur confirmer.<br /> Entre ces deux voies, il faut choisir : être un affirmateur de l'ordre ou un scrutateur du désordre et de la créativité passagère qui en découle. Cela dit, je ne place pas évidemment l'atomisme et Schopenhauer sur le même plan. Les premiers sont des métaphysiciens du réel, le second est un métaphysicien de la vie (quel serait donc le vouloir vivre de la pierre et du roc condamné à la désagrégation ?). En ce sens, la métaphysique atomistique paraît bien plus englobante puisqu' "elle parle du Tout et de Tout" (Démocrite). Cette approche de la totalité rend possible un rire fracassé et ouvert sur l'infini, à l'image même de cet infini alors que l'examen de la volonté accable l'esprit de sa furieuse monotonie et de sa fin prochaine sans l'horizon de l'éternité. Il manque à l'auteur du Monde, de mon point de vue, la grande intuition de la minéralité constitutive, de l'élémentarité hasardeuse. La complexité de la vie (et sa force intrinsèque) situe le réel dans une zone sans référent externe alors même que la vie est elle-même liée à des propriétés émergentes de la matière qui l'ouvre sur des horizons stellaires, sources de jubilation cosmique. Si bien qu'entre rire et pessimisme, il faut aussi choisir ; c'est là tout l'écart qui subsiste entre le pessimisme et le tragique (qui n'implique pas la désolation et le désastre de l'humeur).
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G
Schopenhauer s'étonne de ce que le mmonde soit sans cause, que le vouloir-vivre soit sans cause. En quoi toute philosophie, quand elle est philosophique, "détonne" par la radicale brisure de son questionnement. En quoi nous autres, humbles interrogateurs et scrutateurs du Ciel, nous sommes à jamais justifiés de ne servir à rien, si ce n'est de maintenir ouverte la brisure... GK
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D
Merci pour ce très beau texte dont je partage évidemment la tonalité. Ce goût même souterrain pour les choses du ciel a sans doute à voir avec nos racines cosmiques et stellaires. Zeus, en maître artificier fait vrombir la terre et les corps de cette énergie qui nous frappe d'étonnement. E-tonner, frappé du tonnerre par la foudre ! Telle est l'origine de la philosophie comme nous l'ont enseigné Aristote et Platon et plus tard, Schopenhauer. L'étonnement démocritéen ne s'en remet pas à la puissance du dieu. Il cherche ce modèle minimal du savoir qui conjugue les facéties météoriques et l'éthique. Que la foudre tombe au hasard, que l'orage éclate ici et non là, cette inventivité de la nature nous rappelle que la beauté du vaste monde étoilé n'est pas sans rapport avec le tragique, sa condition première. Et dans l'éthique, se niche sans doute la parole poétique qui fait danser les atomes comme dansent ces gouttes sur ton balcon matutinal.
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