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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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17 juin 2009

De l' ACTIVITE PENDANT la RETRAITE

J'entends dire ici et là, dans le discours officiel, qu'il est de la plus haute importance, pour la santé physique et psychique, de continuer à travailler après la prise de retraite, voire de la retarder le plus possible. Et pourquoi pas jusqu'à l'heure de la mort? De la sorte on nous conditionne progressivement à l'idée de travailler encore et encore, alors que le travailleur épuisé ne rêve que de congé et de repos. Je conçois sans peine que celui qui s'exprime personnellement et plaisamment dans sa profession puisse retarder l'heure du départ autant qu'il est possible, mais le travailleur de force, l'ouvrier, le camioneur, le plâtrier, l'agriculteur? Dans cette escroquerie générale je lis, outre la manipulation politique, une fâcheuse confusion conceptuelle entre le travail et l'activité.

Rappelons d'abord l'étymologie : travail est une corruption tardive du mot "tripallium" - triple pal, destiné à tenir enchaînés les boeufs sous un joug, et pourquoi pas les esclaves rétifs et réfractaires. "Tripal" - trivial - trivail et travail. Le travail c'est le sort de l'esclave attaché à la peine ("poenia", soumis à la loi du labeur (labor = peine, affliction, souci, tristesse). Le latin distingue, en outre, l'"otium" (loisir créateur du patricien, de l'orateur, de l'homme politique et de l'artiste) du "negotium" - activité marchande de "négoce", activité rémunérée et utilitaire de l'homo practicus ou homo faber. Inutile de préciser que le négotium est considéré comme inférieur, voire ig-noble. Les Anciens ne faisaient pas preuve de beaucoup de considération pour le sort des métèques, plébéiens ou autres esclaves de la jouissance des maîtres. Cela dit on peut estimer, avec Marx, que si l'Histoire doit engendrer une société plus égalitaire, le travail n'en reste pas moins le signe majeur de l'aliénation, régime de la nécessité par opposition à celui de la liberté. Il en concluait fort justement que la réduction du temps de travail est le préalable de toute authentique humanisation.

Aujourd'hui, tout à l'inverse, nos dirigeants ne pensent qu'à remettre tout le monde sous le joug, alors même que les progrès techniques permettent un allègement de la peine, et que les menaces qui pèsent sur l'écosystème justifient plutôt une décroissance qu'une poursuite indéfinie de la richesse.

Travailler s'oppose à agir. Agir c'est prendre la mesure du réel pour le transformer. L'agir s'effectue dans le champ de la collectivité. Enquêter, réfléchir, projeter, programmer, entreprendre, réformer, révolutionner. L'homme d'action c'est l'entrepreneur, le décideur, l'explorateur, le politique, le conquérant, le réformateur. Mais chacun, en tant que citoyen de sa cité d'abord, de la société et du monde entier, est supposé prendre sa part, le fait ou ne le fait pas.

Travailler  s'ioppose à créer. Créer c'est faire surgir du neuf, dans le champ de la connaissance, de la science, de la philosophie, des arts, et de la culture en général. Otium disions-nous. Ne traitent les artistes de fainéants que ceux qui ne savent que travailler et qui jugent de la valeur à la sueur. Créateur indépassé : Léonard. On dira : "mais je n'ai pas l'étoffe d'un Léonard". Soit. Mais qui ne se sent quelque aptitude créative en bien des domaines plus humbles peut-être, mais tout aussi gratifiants? Hélas, quelle société, soucieuse avant tout de rentabilité, ne décourage-t-elle pas méthodiquement la créativité? Voir nos écoles...

Travailler, agir, créer. La nécessité, la gouvernance, la liberté. Reste le plus noble peut-être, du moins selon les Grecs, la créativité théorétique : réfléchir en soi-même, contempler, s'étonner, méditer, penser, parler, écrire, former. Et enfin, le non-agir chinois, tout cela à la fois, dans la splendeur de la juste vacuité.

On voit que pour la retraite rien ne nous condamne à l'inaction. Et la maladie même peut se négocier, si elle n'est pas totalement invalidante. Songeons à tel astrpophysicien, cloué au lit, tétraplégique, et apte cependant à créer de considérables théories cosmiques! Songeons à Matisse, peignant sur le tard avec de gigantesques balais à brosse, incapable par ailleurs de se mouvoir et de marcher!

Que nos tristes discoureurs sur les vertus du travail revoient leur copie, surtout en ce jour, vieille du bac philo! Pauvreté et impatience du concept! Il est heureusement quelques gaillard qui n'entendent pas s'en laisser compter et qui misent sur la créativité, en eux même, et dans les autres, pour renouveler nos représentations. Enfin, rappelons que "poésie" signifie originellement création, et pas forcément de poèmes.

Eh bien mes amis, réapprenons à jardiner, vaticiner, jouer, parler, chanter, écrire, communiquer, écouter, marcher, modeler, peindre, dessiner, escalader, cycler et recycler, - "rire et philosopher". Joli programme de santé, de rencontre et de joie!

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Commentaires
C
J'adhère complètement à ce que vous dites. La retraite à 67 ans est une stupidité...
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