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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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12 juin 2009

DES FAUX DOUTES, et de la VACUITE

Qui peut supporter authentiquement l'épreuve du doute? La plupart du temps on  se contente d'un doute de parade, d'une mascarade de doute, de quelque tour de passe-passe théorique pour faire l'averti, puis on retourne tranquillement à ses petites affaires. Même Descartes, à en croire la pertinente attaque de Nietzsche, ne fait rien que simuler une mise entre parenthèse des certitudes officielles, pour s'empresser de restaurer le bon vieux Moi, et son acolyte obligé, le Dieu spéculatif. "Je pense, je suis". Que voilà une belle trouvaille! Et qui donc est ce "je" qui se flatte de penser - passe encore - mais qui croit penser en toute souveraineté?  Quelque chose pense, c'est entendu, mais quelle est cette chose qui pense? Et d'où vient cette pensée, de quelle source jaillit-elle? Ou encore, quelle est la force, ou la somme de forces, qui pense dans cette émanation penseuse, et que veut-elle? Que veut cette force? Dans le cas de Descartes c'est assez évident : elle veut la restauration de l'ordre rationnel, qu'aucun doute ne puisse écorner, donc d'un dieu méthodologique qui nous assure de la possesssion des "vérités éternelles", car, c'est entendu, Dieu ne saurait chercher à nous tromper. En somme il suffit de penser en dieu et selon dieu pour être dans le vrai!

D'après ce qui précède on douterait, animé non d'un esprit libre et ouvert, mais d'une secrète intention, selon une logique perverse qui met la réponse avant la question. On doute pour la cantonnade, mais de fait on connaît déjà la solution : il suffira de bien construire le raisonnement pour donner l'illusion d'un doute authentique. Idem chez kant : on feint de suspecter les pseudo-pouvoirs de la raison, on malmène les faux savoirs de la métaphysique, mais il est établi depuis toujours qu'on ne touchera pas aux prestiges de la foi : on prépare une sorte de concordat oecuménique. D'un côté la raison, les sciences, les savoirs rationnels, et de l'autre la foi, Dieu, le monde intelligible, "la république des volontés libres et responsables". La morale est sauve, ouf, la religion est sauve, la foi est sauve! Sous les oripeaux d'un scepticisme de façade on procède à une magnifique Restauration monarchique et morale!

Tout cela, j'en parle pour me divertir. Il y a longtemps que toutes ces grimaces cartésiennes ou koenigsbergiennes n'amusent plus - que les universitaires. Depuis l'Antiquité on sait, mais on feint de ne pas savoir, que le "savoir" est une illusion au service des pouvoirs.

Le vrai doute, s'il existe, n' a rien d'un exercice d'école. Pour entrevoir sa vraie nature il faut faire quelques pas en arrière. Quand donc surgit le doute? Qu'est ce précède le doute? C'est évidemment la crédulité, la tranquille certitude de qui se repose sur les autorités externes intériorisées, les dogmes, doctrines, préjugés sociaux, conventions et constructions idéologiques. La crédulité c'est la confiance aveugle dans l'Autre qui sait, ou du moins qui est supposé savoir. Le contenu de la croyance importe peu. C'est la croyance en elle-même qui compte, soit cet abandon de l'intellect aux suggestions de l'Autre. Il sait, donc je sais. Donc je me repose sur ce savoir qui me donne ce que je peux espérer de meilleur. Pour qu'une telle paix de l'âme soit rompue il faut un véritable cataclysme mental, un trouble inouï, un tourbillon destructeur, une contradiction flagrante et terrifiante : la terre s'ouvre, le volcan explose, et j'explose avec lui.

Surtout ne mésestimons pas, ne minorons pas la violence de cette révélation : je croyais savoir, je faisais confiance, je vivais dans une douce illusion, et la terre s'est retirée de dessous mes pieds. En toute rigueur je suis en apesanteur, les yeux exorbités devant le vide.

Et que faire à présent? Fuir? Me divertir? Reconstruire? Avouons que la tentation est terrible de fermer les yeux et de me détourner. Horreur du vide. Angoisse - et Liberté! Qui n' a traversé ce fleuve de sang et de feu n'entend rien à la philosophie.

Ouvrons les yeux. Regardons. Observons. N'est ce pas une vallée ample, ouverte, immensément ouverte qui s'ouvre devant nous?

Dionysos ! -  Ariane, la belle, l'éplorée Ariane n'est elle pas ton Double divin? Elle, l'âme ténébreuse qui tremblait à l'approche du Minotaure, mais l'âme industrieuse aussi qui tissait son noble fil à travers la durée? Du fond du Tartare grondent et grognent les Monstres, mais bientôt, guidé du fil d'or, le héros s'élève vers la lumière, Orphée magnifique et chanteur, amant aimé des Muses, poète du jour pur!

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Commentaires
G
D'accord avec vous, Jean Louis. La référence à J K est exacte et agaçante, je le confesse. Je me retrouve en accord avec lui à partir de données et d'observations tout à fait personnelles. Cela dit je n'en fais pas une religion. On peut retomber dans un nouveau travers par une sorte d'obsessionnalisation de la conscience attentive. D'où mes recommandations sur la légèreté. Il est bon et souhaitable de relâcher son esprit et de revenir au corps et à l'activité physique, sans intention, avec le plaisir à la source!
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J
" Ouvrons les yeux. Regardons. Observons. N'est ce pas une vallée ample, ouverte, immensément ouverte qui s'ouvre devant nous? "<br /> <br /> Oui. La foi, la conviction, la certitude mentale, s'opposent aussi à l'observation, à l'attention.<br /> (Pas besoin d'être attentif, si on sait) <br /> Attention : une idée chère à J Krishnamurti qui fonde beaucoup de choses sur elle. De quoi être un peu agacé.<br /> <br /> C'est que l'attention devient vite celle du penseur. " Vous pensez que vous voyez et vous ne voyez pas que vous pensez" disait Prajnanpad.<br /> <br /> Et pourtant ! <br /> Tout ce qu'on a appris, tout ce qu'on a cru, tout au long de son existence, on ne l'aurait ni retenu, ni tenu pour acquis si deux conditions n'avaient pas été réalisées. (Mais ce sont des facultés très développées chez l'enfant : <br /> - être attentif<br /> - croire celui qui parle.<br /> Si on n'est pas attentif, ou si on rejette un propos, on ne le retient pas.<br /> Notre mémoire est donc le résultat d'une attention/adhésion constante.<br /> <br /> En étant de nouveau attentif, on peut corriger, remettre en cause tout cela, mais cette fois-ci, sans la candeur et l'ignorance de nos pauvres enfants.
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