Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
Archives
Visiteurs
Depuis la création 1 054 816
17 juillet 2008

DU REEL

La question du réel se pose dès les travaux de Démocrite. Comment, en effet comprendre son affirmation selon laquelle les atomes sont en nombre infini ( idée que reprendra Epicure) mais aussi, et c'est là la difficulté, infinis selon leur forme et leur dimension.  Si tel est le cas, ce sera la critique célèbre d'Epicure, les atomes pourraient avoir des dimensions colossales, on pourrait les percevoir, ce qui est absolument contraire à l'expérience qui ne connaît que des corps composés. La théorie d'Epicure est résolument corpusculaire : l'atome est le minimum pensable de matière, donc toujours inaccessible à la perception directe. Pour Démocrite on peut choisir, mais dans les deux cas il y a un problème. Soit on fait de Démocrite le précurseur direct d'Epicure, optant pour la théorie corpusculaire, mais alors que faire de l'objection imparable sur les dimensions infinies des atomes - soit on tire Démocrite du côté des mathématiques, voire de Platon, en considérant que ses atomes sont de purs intelligibles, donc des "Formes a priori", des modèles éternels dont notre raison pourrait prendre connaissance par la scienece. Mais cette seconde hypothèse se concilie plutôt mal avec la théorie du hasard universel et des fameux "tourbillons" atomiques, sources de toute réalité dans le Tout.

Le réel est-il à concevoir comme un complexe de modèles a priori, que nous ne faisons que retrouver dans l'investigation ( c'est encore, notons le en passant le point de vue final d'un astrophysicien illustre comme Trinh Xuan Thuan) ou tout au contraire, et contre les mathématiciens, et contre ¨Platon, comme la matière inépuisable (atomes, vide, corps composés) de l'univers? La réponse est parfaitement claire chez Epicure, et chez Platon, en sens inverse bien entendu. Pour Démocrite on ne saura sans doute jamais tant l'oeuvre est mutilée et forclose par les bons soins des idéalistes.

La question devient : qu'est ce que le réel? Faut il le penser comme la "vraie réalité", une sorte de ciel intelligible où les Idées contiendraient l'essence éternelle des choses? Je ne le pense pas, et ne puis suivre Einstein ou Trinh Xuan Thuan qui postulent une raison gouvernante à l'origine et au déploiement de l'univers. Pour moi aucun réel ne préexiste à l'expérience, ou plutôt je ne sais rien et ne puis rien savoir de cet hypothétique réel. Ma définition est tout autre. "Quelque chose" surgit qui affecte un corps. Un corps affecte un autre corps, qu'il soit mental ou physique, ou les deux. Pas d'avant. Avant de heurter la voiture devant moi il y a peut-être une voiture, mais comme je ne l'ai pas vue elle n'existait pas pour moi. Par contre le choc brutal de nos deux véhicules produit un réel qui n'existait pas. Je peux rêver et philosopher tant et plus, il se trouve que j'ai un bras fracassé, que j'ai très mal et qu'il est difficile d'entériner les faits au titre de l'imaginaire ou du symbolique. Après coup je pourrai toujours construire d'aimables scénarios, comme on fait souvent : "si j'avais mieux dormi, bu un café au lieu de partir à jeün, si ceci si cela   " Reconstructions gratuites qui ne servent qu'à dissimuler ou résorber l'évidence : le réel, en l'occurrence, c'est le fait que mon véhicule a percuté un autre, que j'ai le bras fraccassé. Le reste, comme on dit, est littérature.

Epicuriens, pyrrhonniens et phénoménologues se retrouvent du même côté. Le réel n'est pas le symbolique, fût-il élévé au niveau des Idées platoniciennes. Aucun réel qui préexiste à l'expérience, sauf pour une pensée spéculative sans fondement. Le réel surgit. On dit que tel évément surgit dans le réel. Ce n'est pas tout à fait exact. Le réel se constitue plutôt du surgissement lui-même. Le réel n'est pas un espace lisse, une surface neutre, ou un vide impensable sur lesquels s'inscriraient des événements ( théorie de la tabula rasa), mais la rencontre en elle-même, le sensitif, l'émotionnnel, le psychophysiologique de l'événement en tant que tel, rencontre et  choc de deux corps, soit sur le mode douloureux du trauma, soit celui de la volupté. L'orgasme aussi est du réel, et il n'est pas indifférent de remarquer qu'il répugne à beaucoup, ou qu'il soit hors de portée : dans la jouissance il y a autre chose que ce que l'imaginaire y place. Telle rencontre sexuelle peut virer au cauchemar, et c'est encore du réel!

Il faut réviser notre conception courante de l'empirisme et lui rendre ses lettres de noblesse. Ce n'est pas un phénomène existant en soi et pour soi qui vient frapper une surface d'enregistrement passive et réceptive. Le réel n'est pas l'effet d'une rencontre, il est la rencontre. Rien avant, rien après, sauf des traces. La mémoire est peut-être moins à comprendre comme persistance des traces que surévaluation et ressassement du réel, comme pour l'apprivoiser enfin, le dissoudre ou le nier. Quoi qu'il en soit la mémoire est représentation (celle-ci revient toujours au galop) et non pas du réel.

Publicité
Publicité
Commentaires
Newsletter
155 abonnés
Publicité
Derniers commentaires
Publicité