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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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20 juin 2008

DE VITA CONTEMPLATIVA

Chaque âge a ses plaisirs. Moi qui fus, à une certaine époque, fort porté sur les exercices physiques et martiaux, engagé dans la vie familiale, professionnelle, voire politique, je me retire de plus en plus à l'ombre, sur la terrasse de mon appartement qui donne sur les arbres et les jardins, et, en pleine ville lorraine, je me sens citoyen d'une ancienne Athènes, comme Epicure, dans un retrait douillet et bienheureux. Tout serait parfait si je parvenais à me réformer davantage, à penser moins et à goûter davantage. J'ai l'âge où il faudrait passer du "sapere"-savoir (homo sapiens) à "sapere"-saveur (homo estheticus et meditativus). Mais je ne sais quoi d'amer reste au fond de mon âme, qui semble faire corps avec moi, comme un Autre, un Avec intime, né avec moi, double dramatique, et qui ne me lâche jamais longtemps. Je suis mon propre laboratoire de  philothérapie - et je m'irrite de faire si peu de progrès vers la sérénité. Au moins aurai-je appris l'humilité, la tolérance, la défiance à l'égard des savoirs et des méthodes, et une sorte de négativité intérieure, qui ne me rend pas heureux mais qui me protège de tout "collage" mental durable. "Le mol oreiller" de Montaigne, retissé par mes soins, avec la délicatesse des petits doigts d'une fée! Position fort banale au demeurant, et si banale qu'elle en devient presque pittoresque! (pardonnez la rime, mais je n'ai pas osé contredire mon génie intérieur qui me dictait ce mot-là et pas un autre). Cela dit j'ai conscience que la route n'est pas achevée. Il reste en core à conquérir ce sourire du non-attachement qui fait la beauté des bouddhas.

Pour autant je ne suis pas étranger au monde. Je n'ai rien d'un ermite, mais pas davantage d'un stylite égaré au sommet de sa colonne d'exhibition. Je vis en ville. Je vais au café, au restaurant, aux conférences, au cinéma. J'anime des café-philo et des ateliers. Et j'en ferais bien davantage si le public m'en demandait encore. Mais il y a peu de gens intéressés sincérement par la philosophie, ce que je comprends parfaitement au souvenir de mes années de lycée et de faculté, plus enclines à vous endormir qu'à vous réveiller. Le meilleur je le dois à mon tempéramant anxieux, mais curieux, schopenhauerien, avec cette extraordinaire goût de la lucidité, cette misanthropie native et cette sagacité qui faisaient la gloire de l'oncle Arthur! J'ai plus appris en m'observant, en comparant mes expériences avec celles de mes prédécesseurs ou amis éventuels, et enfin dans la lecture, dont je suis un pratiquant plutôt fantasque et cavalier. Au total je suis assez ignorant sur bien des points, mais je ne vois pas que l'ignorance, sauf à être bestiale, gêne vraiment l'inventivité, au contraire. Pensez à Empédocle, Héraclite ou Pyrrhon! De pauvres ignorants en toutes choses, mais quels génies de la pensée et du langage! La pensée jaillit des profondeurs ou s'éteint à jamais dans la vaine curiosité ou le dogmatisme.

J'ai opté pour la vita contemplativa, après avoir pratiqué, souvent malgré moi, la vita activa. Aujourd'hui, plus qu'un droit et un loisir mérité, c'est une nécessité intérieure, à condition de la mettre en relation avec une certaine présence au monde, qu'elle doit féconder. Et qui stimulera en retour. Je ne voudrais pas finir en Jean Jacques fuyant le monde pour de pauvres ruminations paranoïdes! J'entends bien méditer, rêver, écrire, penser, enseigner même à l'occasion, garder le contact et cultiver l'amitié. Epicurien en cela, souverainement, même si je ne vis pas dans une communauté philosophique comparable au Jardin d'Athènes ou d'Oenanda. Athènes est dans mon coeur, non celle que j'ai visitée jadis, pauvre amoncellement de maisons sales et de ruines glorieuses, mais celle qui vit éternellement dans l' imagination des sages! Si j'étais prétentieux, mais il faut bien l'être un peu, je dirais "Athènes est avec moi, Athènes est là où je suis".

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