FANTASME et MELANCOLIE II
Ce éparpillement fantasmatique correspondrait assez bien à la structure trouée de la mélancolie : manque d'objet interne, d'unité interne, structure labile et flottante traversée sans fin par le jeu des identifications projectives et introjectives, livrée à la dictature incertaine et cruelle d'un autorité archaïque inconnaissable et sans pitié, flottement interminable de l'humeur. Le moi à l'image du fantasme, ou le fantasme à l'image du Moi, ou pseudo-moi, structure sans véritable noyau ni objet stable, condamant le sujet à la ronde infernale des identifications impossibles et des déceptions inévitables?
Question : comment fait-on pour traverser un fantasme inconsistant? Un fantasme qui n'est pas même organisé et structuré en images, flottant, évanescent, labile et sans objet définissable? Sans doute faut-il attendre quasi indéfiniment pour qu'un véritable fantasme puisse se constituer, ébauchant une structure moïque relativement consistante. C'est déjà un peu une victoire comme si le mélancolique rejoignait enfin la cohorte des "névrosés" ordinaires dont l'existence est organisée autour d'une ou de deux idées fixes, lassantes à souhait, mais assurant ce minimum de cohérence et de sens qui rend la vie vivable : réussite sociale, conquêtes amoureuses, victoires sur le prochain, gloire, renommée etc . Toute la gamme des passions ordinaires. Mais les gens qui vivent de ces riens ne s'en plaignent guère et considèrent leur vie inconscienmment répétitive comme parfaitement intéressante. Heureux névrosés!
Quant à notre mélancolique a-t-il quelque chance de salut? Faut-il l'encourger à se constituer ce fameux objet interne qui lui manque, à élaborer un fantasme consistant qui l'orienterait dans l'ornière normopathique, lui, l'amant de la "dérive" sans espoir? Qui en décidera?
Heureusement il se trouve des mélancoliques étrangement créatifs qui entre deux crises d'abattement se livrent corps et âme à leur art et y livrent de ces étranges messages qui traversent les siècles. La beauté et la vérité se paient au prix fort.