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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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30 avril 2008

DE L' EXHIBITION

Voilà manifestement une des tendances les plus irritantes de notre époque, mais d'autant plus indéracinable qu'elle s'iscrit entièrement dans la logique productiviste du capitalisme planétaire. "vendre à tout prix (ou presque !) à n'importe qui pourvu que ça rapporte.  Et comme le paradis ne trouve plus guère d'acheteurs, on se rabat sur les valeurs sûres et sempiternelles : le profit et le sexe.

Je hais l'exhibitionnisme parce que c'est un jeu pour débiles mentaux, et le rêve planétaire de nos dirigeants semble être de nous ramener le plus vite possible au niveau de la débilité universelle.

FreuD avait repéré quatre formes principales de perversions : exhibitionnisme, voyeurisme, sadisme, masochisme. Il scandalisa beaucoup de monde en affirmant que nos petits angelots d'enfants manifestent tous à des degrés divers ces quatre tendances, fort naturelles au demeurant, et que la passage du Complexe d'Oedipe devrait permettre de les soumettre au primat du génital, ce qui serait la normalité. Mais l'expérince lui montra que beaucoup d'adultes restaient fixés à des comportemens prégénitaux, et refusaient de changer quoi  que ce soit à leur pratique sexuelle. Ce fait est absolument avéré par les enquêtes sociologiques. La perversion, pourchassée par une société puritaine, va se réfugier dans l'art, le cinéma, la photo, le roman et bien entendu dans nos rêves, sans parler du fantasme. En toute rigueur, la perversion fleurit, déborde, s'exhale à l'infini dans chaque psyché humaine, à tout heure, ou presque! L'enfer est pavé de fantasmes orgiaques et dionysiaques!

Notre société renonce à la censure pour mieux exploiter cette puissance fabuleuse du fantasme pervers, l'étaler, l'exhiber au sens propre. Tout le monde voit bien qu'il n' y a rien aucun rapport logique entre la belle fille qui exhibe son sein gauche dénudé et la marque de savon supposée rajeunir la peau. La chose est encore plus sensible dans la publicité pour hommes où n'importe quoi, absolument n'importe quoi est sexualisé poue attirer le regard : à croire que globalement les hommes sont encore plus débiles que les femmes et formidablement manipulables!

Mais venons-en à l'analyse. Exhiber veut dire montrer, étaler, avec une connotation péjorative de perversité. Un honnête homme ne s'exhibe pas. Une  femme honnête se flatte de sa réserve et de sa pudeur. Mais écrivant cela j'ai l'impression de faire du Balzac tant les temps ont changé. L'exhibitionnisme est partout, et n' a presque plus de limites, quelles qu'en soient les conséquences morales ou psychologiques. On se moque bien d'élever les enfants dans la décence si le cul rapporte plus que le reste. Les psychiatres peuvent se frotter les mains : ils sont assurés d'une inépuisable cliente de névrosés, de borderlines, de narcissiques voire de psychotiques totalement déboussolés, et incapables de toute investissement dans la réalité. Le fantasme aura tout immergé.

Exhiber, étymologiquement, veut dire "avoir dehors" ou faire voir dehors. On exhibe quelque chose pour les autres, pour susciter le respect ( la majesté du pharaon ) la crainte ( le fouet, le sabre) l'admiration (un beau  collier) on l'envie (mon pénis est plus long que le tien). Tout cela est, soit en passant, assez infantile, puisque j'ai besoi du regard de l'autre, de son regard envieux, admiratif ou haineux pour exister pleinement, pour donner à l'Image du Moi une dimension quasi divine. Comme le faisait remarquer Pascal :  que serait un magistrat sans sa perruque et sa roble de célébration? Un pape sans la mitre? Toute la société repose sur l'exhibition de signes de puissances. Mais remarquons qu'il ne s'agit là que d'exhibition symboliques : on rappelle lla préséance de l'ordre politique religieux et juridique sur les velléités individuelles. Aucune société organisée ne peut se passer de ces gadgets -signes, de ces "marques et de ces montres".

L'exhibitionnisme dont je parle est tout différent :  il ne relève d'aucune justification collective et reconnue, d'aucun légitimité symbolique. L'imaginaire envahit tout. Le narcissisme s'étale partout, jusque dans la sphère du présidentiel. Chacun peut revendiquer, à partir de soi seul, un droit à faire valoir telle particularité de sa  bouche et de sa fesse droite ( percings), telle idéologie secrète et indéchiffrable dans sa toilette, sans compter les exhibitions propremente et directement sexuelles. " J'au un cul en or ; il faut que la terre entière le sache". Mon pénis est aussi long qu'un tuyau d'arrosage ; il faut que toutes les femmes le sachent, sans compter les hommes qui vont en tirer une tronche !" Bref : moi, et moi et moi! Exhiber, rappelons-le, c'est "avoir dehors " ,donc dans l'apparaître, le public, le visible, le tangible, le vérifiable. Gloire d'un jour. Demain un autre ira un peu plus loin que vous et vous serez effacé de la conscience collective. Consolation narcissique "Au moins je serai passé une fois à la télé". (J'ai failli écrire la "tétée",  lapsus interéssant!

Etymologiquement le contraire de l'exhibition ,c'est l'inhibition. "in-hiber" c'est avoir dedans, garder dedans. On parle d'un femme inhibée quant aucune ruse ne vient à bout de sa résistance. L'Exhibition, pour des raisons anatomiques évidentes, serait-elle spécifiquement masculine - la gloriole, le rôle, l'autorité, la querelle du pouvoir et de la représentation etc Ce n'est pas tout à fait faux, et les femmes le savent bien qui laissent leur mari jouer le beau en public quand il est un toutou à la maison! Et l'inhibition serait-elle spécifiquement féminine? Ce n'est tout à fait faux ; la réserve est une vertu, et en plus elle attise le désir masculin, double avantage! La femme cache, notamment son intimité. Les hommes aussi d'ailleurs. Mais très différemment. En cachant la femme laisse toujours entrevoir un petit quelque chose qui dément la réserve affichée, et pour un homme, en fait justement une femme : le soutien gorge plongeant, la naissance des seins, une épaule dé   nudée, un nombril charmant entre deux pièces de tissu, une fente savamment étudiée pour attirer le regard sur les jambes. Ce n'est pas moi qui vais apprendre aux femmes à séduire. Je remarque simplement que le jeu exhibitin-inhibition atteint chez les femmes le comble du raffinement, et exprime toujours deux messages contradictoires : attention, pas touche je suis une femme qui mérite considération, pas une pute,- et en même temps, regardez comme je suis belle, "la plus belle pour aller danser", le point d'attraction pour tous les regards libidinaux des hommes et envieux des autres femmes, toutes mes rivales, Je montre, mais pas tout. Je cache, mais pas tout. Subtilité de l'art, de la feinte, de la parade et de la mascarade. Socialement la femme est condamnée à la duplicité : elle n'est femme que d'être respectable; elle n'est femme que d'être désirable.

On peut dès lors, et je suis de ceux-là, déplorer l'exhibition massive : elle tue le désir. C'est le déshabillage qui fait l'excitation, le reste est assez banal. Dans notre société je crains qu'on ne finisse par créer plusieurs mondes entièrement séparés : les hétéro, les homo, les bisexuels, et les no-sex.  Paradoxalement une société relativement libérée sur le plan des moeurs, mais totalement soumise à la dictature capitaliste , ne finisse par créer une nouvelle forme de scissions et excisions : remarquez que cela ne gêne en rien le  développement capitalistique, qui en a absorbé d'autres, et des bien plus grosses que celle-ci!

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