REVE
REVE
J’ai rêvé que je n’avais plus d’âge.
Toutes les périodes de ma vie s’étaient évaporées
Emportées dans un tourbillon de sable blanc.
Blanche est ma tempe, blanche ma joue
Le passé est une mare blanche étalée derrière moi
Et le futur n’existe pas.
Je ne voudrais rien recommencer
Ni enfance, ni adolescence, ni jeunesse
L’âge dit mûr est une coupole de suif
Le présent sans épaisseur
Mais parfois il a un léger goût de groseille
Un peu d’acide fraîcheur, comme ces fruits
Que l’on cueillait jadis dans l’herbe bourdonnante
Une pointe d’anis, rondeur de mirabelle
L’eau de vie de mon grand père, et l’alambic
Fumant et tressaillant de vapeurs éthyliques
Les guêpes alentour étaient saoules à vomir
J’étais le magnifique enfant tout en œil
Ivre-fou, ivre de tout, léger, mélancolique
Je croyais avoir oublié, mais les images à foison
Bourdonnent comme guêpes à mes oreilles
Faut croire que le présent n’existe
Qu’à jaillir du passé
Deus ex machina, fou du roi
Ironie d’un temps qui n’est pas du temps
Mais vif, allègre comme un arc en ciel
Tantôt visible, et tantôt non
Echarpe d’argent entre les nuages troués
Qui dessine en filigrane la fallacieuse, la captieuse
La séditieuse image
D’une introuvable identité.