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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 janvier 2008

LES JARDINS d' APHRODITE : mythopoiétique

 

D'après le mythe Aphrodite est née de l'écume de la mer. Le dieu primitif Ouranos, dieu du ciel, dans un interminable orgasme, serrait éperdument Gaïa (la terre) dans ses bras immenses, sans lui laisser le moindre répit, sans lui accorder la moindre distance. Lassée de cette pénible emprise, Gaïa demande à son fils Kronos de châtrer ce mari lubrique. Chose faite, Kronos répand la semence paternelle à la surface de la mer, qui dès lors engendra Aphrodite, la déesse de l'Amour. Remarquons déjà le caractère marin de la nouvelle divinité : intuition géniale que retrouvera le psychanalyste Ferenczi dans "Thalassa, les origines de la vie sexuelle".  (Thalassa, en grec, c'est la mer) . Et nous savons bien que la vie biologique a pris naissance dans la mer et qu'en toute rigueur nous descendons tous du poisson, comme l'affirmait déjà Anaximandre le philosophe milésien, au sixième siècle avant notre ère.

Origine marine donc. La sexualité appartient à l'élément eau. C'est du liquide : menstrues, alluvions spermatiques, humidité chaude, pluie d'été, coulures et parfums, arômes délicats ou insistants, moiteurs et fièvres, conjonction du liquide et de l'humide. Elle s'oppose à la terre d'une part, "fondement des choses de ce monde" et à l'air, au céleste, à l'Ether. En quelque sorte elle fait l'union entre les éléments, entre le sec et l'humide, le froid et le chaud, le terrestre et le céleste, l'obscur et le lumineux, le ciel et la terre. Elle unit ce qui est contraire, consacre d'étranges et improbables alliances, bref elle fait tourner le monde. Lucrèce en parlera dans son livre avec un flamboyant lyrisme : " Volupté des dieux et des hommes, génitrice universelle, toi qui peuples la mer aux mille nefs ...  "

La vie est issue de l'eau. Elle se nourrit de la terre, s'enfamme par l'incendie d'amour, et s'élève par instants jusqu'au ciel, et jusque chez les dieux qui eux-mêmes brûlent tantôt de passion amoureuse et perdent la raison. Comment ne serait-elle pas la déesse des amants et des poètes, ces perpétuels amoureux de la Beauté?

"J'ai pris la Beauté sur mes genoux..." mais c'est là déjà une bien singulière familiarité pour un poète. La plupart du temps la Beauté est présentée comme lointaine, froide, inaccessible. Certains poètes, faut-il croire, parviennent à la séduire après avoir été eux-mêmes séduits dans leur fibre profonde. Aphrodite n'est pas Artémis. Elle succombe elle-même à l'amour qu'elle suscite, elle aussi peut brûler des flammes de la passion. Sensible au charme du jeune homme elle oublie ses voeux et se consume dans l'incendie, avant de se reprendre et de se vêtir de pudeur.

Que l'on m'accorde le droit poétique de tout dire. Et comme Lucrèce de chanter les blandices de la déesse ; de célébrer le pouvoir divin de son visage d'aube, la douce lumière de son regard, enveloppante et chatoyante, la clarté céleste de son front enveloppé de boucles noires, toute la prestance et l'élégance de son maintien, ses mains fines ouvertes pour accueillir! Mon coeur s'élance vers elle, mais mon corps reste figé, paralysé par une incompréhensible angoisse.

Beaux jardins d'Aphrodite accueillez moi sous vos ombrages! J'aimerais avec elle parcourir les allées sous les platanes et les hêtres, entre les roses et les fuschias. J'aimerais vaquer auprès des eaux dormantes, sommnoler avec elle dans les mousses, converser, rêver, dire des vers, et des enfantillages, caresser ses cheveux, m'allonger chastement à ses côtés, recréer la sensation de l'éternité perdue!

Tes amants ont la joie de froisser ta robe, de dévêtir ton corps, de l'envelopper de leur fièvre, de t'arracher des cris de volupté. Quant à moi, je ne puis que chanter, que gémir et pleurer, tel Orphée aux sorties des Enfers, laissant à tout jamais derrière lui son Eurydice perdue!

Aphrodite tu es ma déesse secrète, mon inspiratrice, ma soeur et mon épouse céleste. Et moi je serai ton poète, à jamais.

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