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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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12 novembre 2007

Centre et verticalité : mythopoiétique

Ausschwitz était, aux dires mêmes de son commandant, "le trou du cul du monde". Il est, hélas je le crains, beaucoup, beaucoup trop de cul du monde de par le monde, aujourd'hui comme hier. Ce genre de trous se déplace avec aisance, disparaissant de ci et répparaissant de là, selon une géométrie variable et imprévisible : "incerto loco, incertis temporibus" dirait Lucrèce. C'est à croire que le diable est un errant prolifique, multiforme et indomptable, Hydre de Lerne dont aucun héros, fût-il Héraklès en personne ne peut venir à bout. Les ténèbres migrent de par le monde et ne se dissolvent jamais. L'ombre accompagne la lumière avec une évidence implacable. Il faut croire que l'inconscient ne se déplie jamais totalement et qu'il reste à jamais, même dans le psychisme le plus évolué, des zones de cruauté rentrée, de haine inexpugnable, de fantasme schizo-paranoïdes indécrottables. "Continent noir" disait Freud. "Ombre" disait Jung. "Position schizo-paranoïde" disait Mélanie Klein. Reste que cette métaphore de trou de cul du monde a son intérêt, à la fois psychologique et cosmologique. La surface n'est lumineuse qu'à grande échelle comme la Voie Lactée par temps clair. Mais à y regarder de plus près on se heurte fatalement à des éructations déplaisantes, des souffrances inavouables qui laissent d'horribles plaies, des trous en effet, trous de glaciers, trous de cheminées fumantes, cratères inapaisés, fêlures du moi, enkystements purulents, ecchymoses, verrues et angiomes putrescents. La surface est perforée de trous, et par ces trous passent aussi bien les rumeurs et les remugles du monde que les ruisseaux souterrains et volcaniques. La surface est une écumoire, une "branloire perrenne", un tissu infiniment fluide, mobile et translucide. Et surtout elle elle est comme raccordée de mille pièces, de mille échevaux, sans former jamais une texture unie et homogène. Pour autant elle est bien une surface, et rien d'autre.

Ce qui donne au moi une certaine continuité et contenance c'est la trace indélébile de l'amour maternel, qui assura jadis handling et holding au petit d'homme, conférant une sorte d'illusion fondamentale de sécurité et de perpétuité. Imaginairement c'est l'action d'Okeanos, ce contenant universel, ce vase de sérénité et de turbulences qui assure, contient, limite, forme un horizon stable et lumineux, même s'il est aussi chargé d'orages à l'occasion. Il faut et il suffit, Winnicott dixit, la sollicitude primaire d'une mère suffisamment bonne, ce qui ne veut pas dire parfaite. Il faut que l'enfant puisse compter sur ce fondement sûr, comme le dit à sa manière Hésiode au sujet de la terre. Que cette sécurité de base vienne à manquer, voilà le Moi qui ne peut constituer une structure suffisamment ferme, soit qu'il éclate en mille morceaux (psychose), soit qu'il présente une apparence de continuité ruinée de fait par trop de trous, de fêlures et de crevasses(pathologie narcissique et borderline). Ce q'on appelle la normalité n'est le plus souvent qu'une structure saturée, où le lien externe de l'autorité et de la convention fait office de garde-fou (normopathie). Quant à la vraie santé nul ne sait ce que c'est.

L'avantage de ce modèle est de permettre une vision panoramique de la vie mentale. Chacun de nous présente une idiosyncrasie singulière, mais quant aux structures elles ne sont finalement pas très nombreuses. Idem pour les atomes, en nombre indéfini, mais réductibles à quelques modèles de base. Idem pour la somme insommables des astres, mais dont la composition est relativement montone. De même pour les hommes, à la fois strictement singuliers, et singulièrement répétitifs. De là une certaine possibilité de savoir, mais avec de strictes limites.

Mais alors, dira-t-on, si tout est surface n 'y a -t-il pas de verticalité? Pas de principe paternel qui ordonne l'existence selon l'axe de la loi? Ne sommes-nous pas en présnce d'un modèle psychotique qui opère une forclusion du nom du père? Je réponds que la verticalité existe dans la surface même. Qu'elle n'est pas un axe surajouté tardivement par quelque opération du saint Esprit qui viendrait contrebalançer la supposée toute puissance maternelle. C'est le monothéisme qui a opéré ce type de manipulation "paternaliste", avec les conséquences que l'on sait. C'est lui qui a opposé à la nature une anti-nature, une sur-nature transcendante, un prétendu monde de l'esprit qui corrigerait les aléas regrettables de la "matière" et de la corporalité. Retour aux Anciens, du moins sur ce point : les Olympiens ne vivent pas dans un autre monde, mais dans le même, un étage plus haut, "là haut sur la montagne", distance suffisante pour leur assurer la dignité indispensable, à la fois réelle et minimale. Zevs est un dieu finalement fort sympatique. Il a chassé Kronos, l'Ogre cosmique, et les Titans dans le tartare -(ce trou du cul du monde), il a pacifié la lutte des dieux pour la souveraineté, règlementé  la vie divine, humaine et sub-humaine, il contient le monde par sa juste loi dans un équilibre relatif et imparfait, mais praticable, il fait régner la justice, approximativement c'est entendu, mais que faire de plus, et filalement, il est bon prince. "Primus inter pares" : il n'est qiue le premier des dieux, il passe son temps à négocier des accords, arranger et aménager, calmer les conflits, rétablir l'ordre précaire sur l'Olympe et sur la terre. Et puis, de temps en temps il va battre la prétentaine et engrosser quelque mortelle trop désirable ou trop curieuse. De là toute une pleiade de demi-dieux bienfaisants comme Dionysos, et quelques autres énergumènes plus ou moins fréquentables. Bref, un bon prince! Quel rapport avec l'ennuyeux et prétentieux paranoïaque de la bible?

Verticalité donc mais minimale, juste ce qu'il faut pour assurer une érection de bonne facture, sans laquelle bien sûr, "rien ne naîtrait sous le soleil". Que nous bassine-t-on avec le Nom du Père et autres fariboles cryptoreligieuses? Qui donc veut renier la paternité? Qui donc veut ruiner l'ordre social et moral? contre qui ce procès en diffamation? Contre les mécréants, les gnostiques, les épicuriens, les matérialistes, les cyniques, les pyrrhoniens et autres spinozistes! Mais où voit-on que l'absence d'un dieu unique et transcendant mènerait à la catastrophe? Les Chinois vivent de toujours sans cet appareillage poussiéreux de monothéisme crééationniste, et les Asiatiques en général, et presque toutes les civilisations non-européennes de par le monde! Ah, camarades, il est temps de se décrasser les neurones! Il n'est que deux visions du monde : ou l'idéaliste du monotonothéisme créationniste et thanatocratique -ouf - ou la Surface Absolue !

Qu' on ne me dise pas qu'Epicure a bel et bien envoyé les dieux dans les intermondes pour s'en débarraser, et qu'ainsi il aurait sauvé la verticalité divine! Niaiserie! Car les dieux ( les et non pas le) d'Epicure ne sont d'autre compositiion que de matière atomique, ils n'ont que faire de nos prières, etde toute manière ils sont une partie de l'unique et toute-englobante Nature. Un seul plan de réalité, une seule Surface. La difficulté est de penser une surface qui ne soit pas un plan homogène, comme je l'ai abondamment montré ici, mais déroulée et enroulée sur elle-même comme une bande de Moebius, ou mieux encore, comme la Voie Lactée. Surface multi-dimensionnelle, mais absolument une et unique. Géométrie dans l'espace, ou, espace de géométrie universelle. GK

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