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LE JARDIN PHILOSOPHE : blog philo-poiétique de Guy Karl
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14 juillet 2007

connaissances

Pour éclairer le lecteur et dissiper quelques malentendus je voudrais que l'on distingue bien les divers plans de connaissance. Lorsque Pyrrhon dit que ni les sens ni le jugement (la raison) ne peuvent nous faire savoir ce que sont les choses il se place à un point de vue radical : il ne fait pas le compte interminable de tous les objets soumis à notre perception (connaissance empirique) ni de tous les objets soumis à la connaissance rationnelle ( tels les objets mathématiques ou spéculatifs) pour conclure ensuite que la connaissance est impossible : une telle démarche n'aurait jamais de fin et serait toujours révisable tant qu' on n'a pas fait le tour du Tout (ce qui est impossible). Pour Pyrrhon il est vain d'entreprendre une telle démarche à supposer même qu'elle soit possible, puisqu' il suffit de se prononcer sur la nature de l'homme. Par essence l'homme n'est pas capable de connaissance exacte : il n'est pas outillé pour cela, puisque toujours il occupe une position relative à une autre, que son point de vue est limité par cette place, que chacun aura un point de vue différent selon sa constitution, son éducation, sa culture etc bref que le point de vue de Dieu omniscient, voyant le tout à la fois de tous les points de vue imaginables et en tous temps, est impossible à l'homme. Pour me répéter, Montaigne exprime cela d'une phrase indépassable, dans sa simplicité apparente : "nous n'avons nulle connaissance de l'être"

On retorquera que la science permet le dépassaement de ces relativités subjectives en créant des modèles universels. L'argument ne tient pas parce que c'est toujours l'homme, fût-il collectif, qui sent et pense la "réalité", ou plutôt les apparences, même scientifiquemment contrôlées. Depuis Einstein (relativité restreinte puis générale), puis la physique quantique la tendance dominante est malgré tout à un certain relativisme de nos savoirs, sans cesse révisés, ( voir les spéculations sur le big bang, l'univers changeant de durée à chaque nouvelle trouvaille). Le point de vue absolu est abandonné depuis plus d'un siècle. (Cela dit il refleurit interminablement en sourdine pour être régulièrement révisé, abandonné en principe et restauré en fait).

Tout cela confirme l'intuition de Pyrrhon: inutile de faire le tour des choses pour montrer qu'on n'en a qu'une connaissance imparfaite : il suffit de comprendre les limitations a priori de notre condition : animal savant, mais animal à jamais. Dès qu'on admet que le point de vue de dieu est inaccessible on établit à jamais l'imperfection de la connaissance.

Mais la vraie intention de Pyrrhon serait plutôt, si j' ai bien compris, éthique. Ruiner les prétentions divines, casser le narcissisme ( "il est bien difficile de dépouiller l'homme") dissiper les illusions métaphysiques sont un moyen nécessaire pour ranger l'homme à sa véritable place. Humilité préalable, et libération vertigineuse à l'égard de toutes les théories, doctrines, conventions, règles, institutions: rien ne subsiste d'une croyance qui fonderait la hiérachie ou l'ordre en vigueur. Véritable révolutiuon mentale la pensée pyrrhonienne établit une égalité entre les choses, les attitudes et les valeurs qui paraîtra horrifique au conservateur, et délicieuse à l'esprit ivre de liberté.

Avec Pyrrhon une autre ére commence, malheureusement, pour l'essentiel, elle s'est écroulée à sa mort. Mais nous pouvons relever le défi ; interminablement repoussent les hideuses têtes de l'Hydre, indéfiniment il faut lutter pour la liberté de l'esprit.GK

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