Des QUATRE PILIERS de la SAGESSE ( BORDERLINE suite)
III
Comment appliquer ce principe eudémonique très général en lui donnant la consistance indispensable ? Ici il faut aller un peu plus loin que l’ancienne leçon épicurienne. Je proposerai quatre maximes qui définissent une sorte de charte de la liberté.
Position méta-normale : je veux dire un dépassement radical du concept même de normalité, une mise à l’écart, un oubli salvateur. Cette décision va de soi après tous les éléments développés jusqu’ici.
Position méta-génitale. Après tout que vaut cette exigence quasi universellement saluée comme maturative et normative, quand dans les faits elle n’a aucune efficacité que conventionnelle et bourgeoise ? Je ne prônerai pas une forme régressive de sexualité prégénitale, mais une sorte de jeu de la Diva Voluptas, un Eros décloisonné dont chacun inventera librement les formes, les lieux et les accointances. Je regrette pour ma part que la psychanalyse, qui avait retrouvé la signification oubliée de la libre sexualité en ait tiré une triste leçon de conformisme conjugal. Là encore elle a trahi ses origines au bénéfice d’une idéologie religieuse réactivée et « scientifiquement » légitimée. Hors de l’Oedipe point de salut ! Sur ce point je suivrai volontiers les analyses de Marcuse et de Gilles Deleuze, que l’on a un peu oubliées de nos jours !
Position méta-identitaire. J’ai fait longuement le procès de la notion d’identité, suffisamment en tout cas pour ouvrir les vannes de la singularité créatrice. Arrêtons de confondre. Je ne suis pas ce que je suis pour les autres, et d’ailleurs, qui suis-je ? Cette dernière question est elle-même absurde et sans réponse. Inutile d’y revenir. Créons, d’instant en instant, notre présent qui se dissout pour renaître, dans un seul et même mouvement. Impermanence et création.
Position méta-existentielle. Bien sûr, il s’agit d’exister. C’est sérieux, mais ce n’est qu’un jeu. Jeu tragique, futile, et joyeux de la création infinie, par delà vie et mort. Jeu du dieu d’Héraclite. Ou comme disent les Taoïstes, équivalence de la vie et de la mort. La valse des contraires donne à l’existence, même assumée dans le sérieux de l’éthique, une dimension ludique supérieure, une sorte d’éclat oblique, à la manière du dieu de Delphes. Nous vivons, mais vivons-nous ? Nous mourons, mais de quelle mort si nous ne vivons jamais tout à fait ? Tout créateur sait cela, tout poète, tout philosophe qui ne se laisse pas abuser par les mots. Au delà de tout langage imaginable, qui nous enserre dans les voiles de l’illusion substantialiste, nous sentons bien que rien ne tient jamais, que tout passe, et que sous un certain rapport la mort précède la naissance.
Néo-taoïsme. Ou bien, si vous n’avez aucune accointance à la pensée chinoise, néo-pyrrhonisme : « Si tu veux être heureux considère que tout est convention, sans définition possible, inconnaissable, immaîtrisable et incomparable. Dès lors ta pensée sera libre de toute attache, ta vie sereine et ta sagesse inébranlable ».
Pensée libre pour des hommes libres. Silence des astres et calme du cœur.